INSPIRÉ DU SINGLE GLACÉ DE JOY DIVISION, WILL LOVE TEAR US APART DÉMONTRE QUE LE GAMING ÉPROUVE AUSSI DES SENTIMENTS.

Will Love Tear Us Apart

ÉDITÉ ET DÉVELOPPÉ PAR GORDON CALLEJA ET MIGHTY BOX, ÂGE: NC, JOUABLE GRATUITEMENT EN LIGNE VIA HTTP://WILLLOVETEARUSAPART.COM

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Dans le petit monde de Gordon Calleja, Mario et Peach ne vécurent pas heureux et n’eurent pas d’enfants. Repris un nombre incalculable de fois mais toujours aussi tranchant, le Love Will Tear Us Apart de Joy Division sert de fondation à ce jeu indé. Le titre noir que Ian Curtis couchait en 1980, peu de temps avant son suicide, évoque à force de puzzle game et d’exploration les méandres d’une relation sur le point de rompre. Gratuit, le browser game confirme que le gaming peut aussi éprouver des sentiments.

Il y a, dans Will Love Tear Us Apart (le jeu donc), une irrépressible envie de rendre un hommage dévot à une formation cold wave que les années n’ont pas refroidie. Professeur de game design à l’Université de Malte, Gordon Calleja déploie ainsi trois niveaux correspondant chacun aux trois couplets du single culte. Les visuels en noir et blanc de cette micro-production qui semble dessinée au fusain renvoient implacablement aux lignes emblématiques de la pochette d’Unknwon Pleasure de 1979 et à l’inquiétante photo du Closer de 1980.

Pour autant, le jeu finaliste du SXSW de l’an dernier ne joue nulle note de Love Will Tear Us Apart. Calleja utilise plutôt son fétichisme musical pour propulser un gameplay s’ouvrant sur un jeu de cartes à deux évoquant l’impossible communication des relations de couples en fin de vie. Garder son calme, s’énerver ou comprendre son partenaire: au gamer de choisir la meilleure attitude. Suivi d’un parcours à deux dans les vaisseaux d’un coeur infecté de vers puis d’une exploration onirique en FPS, l’ensemble ne développe malheureusement aucun ressort ludique consistant.

Frustration Contemporaine

Plus proche d’une oeuvre d’art numérique interactive que d’un vrai jeu, Will Love Tear Us Apart génère donc une frustration. Car les jeux indé effritant les ruptures amoureuses ont beau être très rares, un titre comme Braid explorait ce sujet avec talent au fil d’un platformer aux mécaniques complexes en 2008. Jonathan Blow, son auteur, obligeait ainsi le jouer à user d’une sorte de Rewind de magnétoscope pour aider le héros à accéder à des plateformes a priori impossibles. Pas naïf, le titre 2D contait les mois précédant la cassure du coeur. Et jetait un pont acrobate entre ressorts ludiques et fatalité de nos actes.

Plus récemment, ApartmentdeNick Connor empruntait la même thématique en décortiquant le choc d’une fin de relation brutale après quatre ans de vie commune. Le jeu d’aventure (finaliste de la catégorie étudiant de l’Independent Games Festival) explore ainsi les souvenirs liés à divers objets d’un couple éteint, dans un appartement. Tapissé de décors 3D épurés aux aplats de couleurs évoquant Killer7, le titre encore en développement offre une démo (à essayer sur apartmentga. me). Pas de happy ending donc. Tout de noir vêtu, le Will Love Tear Us Apart de Gordon Calleja laisse entrevoir tout de même la lumière au bout du tunnel puisque, contrairement au titre de Ian Curtis, il est moins une affirmation qu’une question: l’amour nous séparera-t-il?

MICHI-HIRO TAMAÏ

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