SIGNÉS SUR BPITCH, LE CLASSIEUX LABEL ALLEMAND, LES BRUXELLOIS DE JOY WELLBOY, COUPLE À LA SCÈNE COMME À LA VILLE, SORTENT LEUR 1ER ALBUM ÉLECTRO-POP. ATMOSPHÈRE, ATMOSPHÈRE…

On les rencontre sur la terrasse du Beursschouwburg, en plein coeur de Bruxelles. Elle, Joy Adegoke, jolie métisse belgo-nigériane à la trentaine spitante. Lui, Wim Janssens, allure hollywoodienne de cow-boy solitaire, regard mélancolique qui se planque du soleil derrière des lunettes noires. Pas besoin de colt. 45: il n’a qu’à ouvrir la bouche et sa voix caverneuse vous fige sur place. « La première fois que je l’ai vu, il m’impressionnait. Je n’osais pas aller vers lui. Aujourd’hui, ça va!… Comme vous le voyez, il a changé de rayonnement (rires). »

A eux deux, ils forment Joy Wellboy. Leur premier album, Yorokobi’s Mantra, vient de sortir. Une petite énigme en soi: un disque de dream pop pastel qui naviguerait entre électro ouatée et atmosphères plus angoissées –« I feel the need to write a gloomy song », chante Joy sur What Baby. L’album a mis du temps à voir le jour, il est en gestation depuis 2009. C’est en fait à ce moment-là que Joy s’est décidée à contacter Wim. « J’avais été voir un concert de son groupe Ellroy. Un copain commun nous a présentés. Par la suite, je lui ai téléphoné. On s’est parlés pendant des heures. Pas seulement de musique, de la vie en général. La semaine d’après, on s’est retrouvés pour commencer à enregistrer. On ne s’est plus arrêtés depuis. »

Bavarde (et parfaite bilingue), souriante, Joy Adegoke passerait volontiers pour l’élément solaire du duo. C’est un peu plus compliqué que cela. « Ado, j’étais inscrite à l’internat, cela n’allait pas trop à la maison. J’étais assez sombre. Je détestais mon prénom! (rires). » Plus tard, elle multiplie les groupes et les projets (elle a chanté notamment chez Buscemi). Tout à coup, c’est l’implosion. Le crash. « Nervous breakdown »… Elle bosse alors comme institutrice dans une asbl. « Cela me plaisait vraiment. Je proposais plein de choses créatives: une comédie musicale, un livre pour enfants de maternelle, des workshops pour les crèches… » Mais la musique est là, quand bien même elle essayerait de ne pas la prendre trop au sérieux. « J’aimais chanter. Mais je n’étais pas chanteuse. J’ai réalisé que si je voulais vraiment le devenir, ou en tout cas essayer, je devais me lancer. »

De son côté, Wim a tranché plus tôt. « Je me souviens qu’à neuf ans, on est allés manger dans un restaurant avec mes parents. Il y avait un gars qui chantait, accompagné d’un orgue et d’une batterie. Vous voyez le genre… Mais je regardais le batteur, cela me fascinait. » A 12 ans, Wim Janssens crée son premier groupe punk, guitare-basse. « On n’avait pas d’argent pour une batterie (rires). Depuis ce moment, j’ai toujours joué. Encore aujourd’hui, le moteur, l’énergie sont les mêmes qu’à douze ans. » Il est en effet beaucoup question d’envie, d’attitude, d’investissement. Joy: « Même en répétition, on veut tous les deux se donner à fond. Pourquoi s’épargner? » L’important n’est donc pas de jouer juste, mais de sonner juste. Wim: « La théorie, le solfège, c’est intéressant pour savoir où placer une note. Mais ça, tout le monde peut l’apprendre. Ce qui compte, c’est de s’approprier cette note, lui donner une couleur, une intention. »

Berlin calling

Retour à 2009. Recluse chez elle, Joy Adegoke régurgite ses névroses en chansons, qu’elle finit par faire écouter à Wim Janssens. « J’ai directement accroché. Au début, l’idée était que je produise les morceaux. Puis finalement, je me suis de plus en plus engagé… » Sourires entendus. « On est tombés amoureux, rigole Joy. Même si je voulais éviter ça à tout prix! Il a fallu trouver un équilibre. A deux, on peut être très créatifs, mais aussi très destructeurs. On a dû dompter cette énergie, la transformer. »

Ils bossent donc sur les chansons dans leur appart’, boulevard du Midi; s’envolent aussi trois mois aux Etats-Unis (sur YouTube, on peut retrouver plusieurs morceaux filmés sur place). Des premières propositions de contrats arrivent. « Mais on n’était pas prêts. On avait peur de se faire enfermer dans un moule, le grand blond et la fille black, ce genre de plans… » Un jour, Joy reçoit un message sur son compte Facebook perso. Ellen Allien, grande prêtresse techno berlinoise, est tombée sur les vidéos de What Baby et The Movement Song, et a apprécié. « Let’s meet soon », propose-t-elle. « On ne la connaissait pas. Mais le mardi suivant, on lui a dit: « OK, on arrive vendredi! » »A l’origine purement techno, le label d’Allien, Bpitch Control, cherche à élargir ses centres d’intérêt. Entre Joy Wellboy et l’enseigne berlinoise, l’affaire est donc entendue. C’était en avril 2012. Un an plus tard, un deal dans la poche, le duo/couple a emménagé dans la capitale allemande, dans le quartier de Wedding, le plus pauvre de la ville… « Entre deux usines couvertes de fresques évolue une population de jeunes artistes que les racines populaires de Wedding ont su séduire », détaille le site airbnb… Joy: « Ce n’est pas trop hype, cela reste encore assez marginal. C’est une ambiance particulière. Il y a un lac tout près. En été, on allait y nager tous les deux jours. »

Ils s’y sont également filmés, sur une barque, jouant leur single Lay Down Your Blade. Le do-it-yourself et l’art de la débrouille encore et toujours. Joy: « Quand on a une idée, on essaye de ne pas traîner, de l’exploiter le plus vite possible, pour ne pas perdre l’énergie. » Du coup, ils ont également réalisé eux-mêmes la pochette de Yorokobi’s Mantra. Elle résume bien l’ambiance du disque: elle et lui, en couple fantomatique et sexy, posant dans une salle de bain cheap, où traînent aussi bien un lecteur de cassettes pour enfants qu’une main ensanglantée… Vous avez dit étrange?

JOY WELLBOY, YOROKOBI’S MANTRA, BPITCH CONTROL.

EN CONCERT LE 13/10, AU BOTANIQUE, BRUXELLES.

ENTRETIEN Laurent Hoebrechts

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