ANNUEL RECORD STORE DAY OBLIGE, LE 18 AVRIL, C’EST LA FÊTE AUX MAGASINS DE DISQUESINDÉPENDANTS. INÉDITS, RARETÉS, RÉÉDITIONS… PRÉPAREZ VOS PORTEFEUILLES.

Un 45 Tours de Courtney Barnett comprenant une reprise de John Cale. Une réédition du Get Behind Me Satan des White Stripes sur deux vinyles, l’un blanc, l’autre rouge. Ou encore un extrait, Beginning to Fade, du deuxième Django Django à venir. Tels sont quelques-uns des objets que vous pourrez, ou pas, trouver chez votre petit disquaire indépendant ce samedi 18 avril à l’occasion du huitième Record Store Day. Née en 2008, librement inspirée par le Free Comic Book Day (jour de distribution de comics… gratuits) et dynamisée par le concours d’artistes et de labels, la Journée des disquaires est devenue la grande opération séduction d’un secteur mis à mal par la concurrence du téléchargement et de la grande distribution (au début des années 2000, les hypermarchés représentaient déjà 65 % des ventes).

Appâter le chaland avec des éditions limitées pour l’inciter à acheter des disques: l’idée est simple et elle fonctionne plus que bien. En 2010, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, les indés ont vendu plus lors du Record Store Day que pendant la période de Noël. Une bénédiction. De Ath à Bruxelles, de Namur à Anvers, de Liège à Waterloo, 45 disquaires belges participent à l’opération. « C’est notre meilleure journée de l’année depuis deux ans maintenant, confie l’un d’entre eux. On y fait presque le double des fêtes. Ça met plus que du beurre dans les épinards. D’ailleurs c’est le seul jour où il y a la file devant le magasin à son ouverture. Ça rappelle le temps où on achetait ses tickets de concerts chez les disquaires… Je ne pense pas cependant que le RSD fidélise une nouvelle clientèle. J’ai plutôt l’impression que certains clients ne viennent chez nous qu’à son occasion et qu’après, ils retournent au Media Markt.  »

Les dents grincent parfois quant à la tournure de plus en plus commerciale prise par l’événement. Quant au côté de moins en moins exclusif de certaines sorties. Genre réédition sans intérêt particulier jouant plus sur l’empaquetage et/ou le support (la plupart du temps du vinyle) que sur le caractère exclusif de la musique. « Il y a des objets vraiment uniques comme le Liars l’an dernier, transparent avec des fils de laine dedans. Mais il s’agit au final davantage de réédition et d’avant-première que d’exclusivité. »

« C’est une impression, se défendait l’an dernier le cofondateur de l’événement Michael Kurtz. Il y a toujours autant de morceaux inédits qu’avant. Il y a juste aujourd’hui beaucoup plus de sorties. »

L’an dernier, une étude démontrait de toute façon que, de manière générale, 15 % de la musique achetée n’est jamais écoutée. « On ne va pas se mentir. Les gens y trouvent leur compte, reprend le disquaire. Alors oui, on peut penser que certains se font entuber en achetant trois fois le même album dans des couleurs différentes. Mais eux s’en foutent. C’est même ce qu’ils cherchent. Ça leur fait plaisir de payer et de dire qu’ils possèdent un objet que les autres n’ont pas. »

Prix exorbitants et spéculation…

S’il joue résolument la carte de l’édition limitée pour attirer les collectionneurs maladifs qui achèteraient une version sifflée en pissant par Lou Reed de White Light/White Heat pour posséder l’intégrale du Velvet (la plupart des disques sont tirés à un petit 2000 exemplaires et le nombre de copies est distinctement indiqué sur la liste des sorties), le Record Store Day est aussi une affaire de spéculation. D’un côté, il rend rare pour vendre plus cher. De l’autre, ses sorties atterrissent souvent en deux temps trois clics sur Discogs ou eBay.

« Les prix sont devenus exorbitants et j’ai le sentiment que c’est de pire en pire. Des 45 Tours à 20 euros. Des albums à 40. Mais ça ne fait évidemment pas reculer les collectionneurs. Tu as aussi les mecs qui en achètent plusieurs pour les revendre sur Internet et se faire du blé. Le soir même, quand ce n’est pas la veille (ce qui pose alors question sur la correction des magasins), tu les retrouves déjà aux enchères sur le Web… »

Autre inconvénient du Record Store Day: les embouteillages qu’il provoque dans les usines de pressage. « Depuis une dizaine d’années, beaucoup de groupes essaient de sortir leur album en vinyle. Et il y a deux moments horribles pour la production de petits tirages: les fêtes de fin d’année et le Record Store Day, explique Philippe Decoster (62TV). Quand tu arrives avec une commande de 500 ou même de 1000 exemplaires, tu figures au bout de la liste. Avec Alpha Whale, Dogbowl, Mujeres et Paon, on s’est pris environ deux mois dans les lattes. »

En attendant, soutenir et promouvoir le travail des disquaires indépendants reste une intention louable. « Puis c’est une chouette ambiance et c’est plutôt comique, termine un vendeur. On fait ça à la criée. Certains clients se promènent de magasin en magasin, filent ensuite à Gand ou Anvers. Le caractère hasardeux de ce que tu peux trouver dans une boutique a par ailleurs son charme. Ça tombe bien aux alentours de Pâques. Ça ressemble finalement à une chasse aux oeufs pour les adultes… »

WWW.RECORDSTOREDAY.COM

TEXTE Julien Broquet

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