LE GUITARISTE DE RADIOHEAD A ÉCRIT LA MUSIQUE DU NOUVEAU FILM DE TRAN ANH HUNG, NORWEGIAN WOOD.

Une part de sa stimulante étrangeté, Norwegian Wood ( lire page 14), le nouveau film du réalisateur d’origine vietnamienne Tran Anh Hung, la doit assurément à la partition de Jonny Greenwood, guitariste de Radiohead. S’écartant des conventions des musiques de film, et de leur propension à appuyer, voire à créer les émotions, ce dernier a écrit un score qui semble faire corps avec les tensions intimes des personnages, pour s’inscrire dans un mouvement comme suspendu. Greenwood, qui signe là une belle réussite, n’en est pas à son coup d’essai: voici quelques années, il s’était fendu d’un soundtrack non moins mémorable pour le There Will Be Blood de Paul Thomas Anderson. « Il avait fait appel à moi parce qu’il aimait Radiohead, mais aussi parce qu’il avait entendu la musique orchestrale que j’avais écrite pour la BBC », commente-t-il, alors qu’on le retrouve à Venise, où il est venu assister à la première du film de Tran.

Texture singulière

Avant Norwegian Wood, le travail de ce dernier lui était inconnu, même s’il avait utilisé Creep pour accompagner une scène mémorable de Cyclo. Devant l’insistance du réalisateur, séduit par son travail avec Anderson, le musicien décide toutefois d’oublier un agenda surchargé. « Je suis ravi qu’il soit revenu à la charge. L’enthousiasme d’un réalisateur est primordial pour moi, et j’ai eu la chance de travailler avec 2 cinéastes qui en débordaient. Tran me prodiguait des recommandations assez étranges: il insistait, par exemple, sur le caractère inachevé des personnages, et le fait que toute chose soit légèrement en suspens. Il voulait qu’il en aille de même de la musique. Il m’a aussi donné d’autres clés, sur foi de l’expression d’un visage, par exemple. C’est une approche très stimulante du travail de la musique, et c’était entièrement neuf pour moi. J’ai vraiment ressenti cela comme un luxe, de même que le fait de travailler avec 2 réalisateurs qui considèrent la musique comme un élément important et non comme un simple accessoire nécessaire, sans plus. » Insiste-t-on sur la texture toute singulière du score, qu’il ajoute, modeste: « J’aime qu’une bande originale ne se réfère à rien d’autre. J’avais un terrain de jeu, et j’ai réellement adoré. »

Au passage, Greenwood a appris à découvrir différentes musiques de film: « J’ai été surpris par la qualité d’ensemble. J’ai commencé à écouter des scores attentivement, et j’ai réalisé combien ils étaient bien écrits et interprétés. Mais ce qui me scie vraiment, c’est de voir que des compositeurs comme Danny Elfman arrivent à écrire énormément, et si rapidement. Et à s’en tenir à un deadline, toutes choses auxquelles Radiohead n’entend rien. »

Constat accompagné d’un large sourire, qui vire au rire franc quand on l’interroge sur le mode de fonctionnement du groupe: le roi Thom Yorke, et ses vassaux? « Non, ce sont les Nations-Unies, et il est la Chine », lâche-t-il en guise de boutade. Et si, de toute évidence, il se repiquerait bien au jeu de la bande originale, il n’en conclut pas moins sur le plaisir éprouvé à retrouver ses comparses. Une question de fraîcheur préservée, et d’absence de routine, notamment: « C’est toujours un peu chaotique, ce que j’apprécie…  »

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS, À VENISE

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