Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Folk this town – Ce n’est pas un double mais un triple album de folk sans âge truffé d’instruments balkaniques que sort la fille à la harpe. Ambitieux.

« Have One On Me »

Distribué par Drag City.

Si les garçons naissent dans les choux et les filles dans les roses, les folkeuses elles semblent voir le jour dans la petit bourgade californienne de Nevada City. C’est à se demander ce que les jeunes parents glissent dans le biberon de leurs rejetons. Avant Mariee Sioux, avec qui elle avait déjà présenté il y a pratiquement un an maintenant sur la côte ouest des Etats-Unis 2 heures de nouvelles compositions, et Alela Diane, sans doute la plus connue des elfes du patelin, il y avait déjà Joanna Newsom. Une singer song-writer harpiste à la voix enfantine et nasillarde. Petite petite petite fillote aujourd’hui installée à San Francisco d’une Karen Dalton ou d’une Vashti Bunyan.

Alors que plus personne ou presque ne sort de double album en ces temps troubles pour l’industrie, ce sont pas moins de 3 disques que Joanna a glissés dans la jolie petite boîte en carton d’ Have One On Me. Une boîte à bijoux en quelque sorte tant ce qu’on trouve en soulevant son couvercle un peu kitsch peut devenir cher et précieux. Joanna Newsom est le genre d’artiste qu’on garde égoïstement pour soi et qu’on se met dans les oreilles en cachette, la nuit, quand tout le monde est au lit. De peur qu’un coup de fil ou de sonnette vienne interrompre notre religieuse et béate écoute.

Plantureux et dénudé

Trois disques et seulement 18 morceaux, ça sonne un peu foutage de gueule a priori. Sauf que Joanna, point de vue chrono, ne se la joue pas Ramones. Elle descend même rarement sous la barrière des 6 ou 7 minutes. C’est donc 2 heures de musique. Deux heures d’un folk ancestral et cosmique que miss Newsom nous a concoctées quand elle ne jouait pas les top model pour Armani ou les muses pour MGMT (c’est elle qu’on voit dans le clip officiel et flippant de Kids).

Ys, le deuxième album de la demoiselle avait été arrangé par Van Dyke Parks, enregistré par Steve Albini et produit par Jim O’Rourke. Ce dernier a mixé Have One On Me avec l’acolyte de Devendra Banhart, Noah Georgeson, entre Los Angeles et Osaka. Plantureux et dénudé, le triptyque repose essentiellement sur une harpe et un piano. Puis la voix haut perchée et sans âge de la fée compositrice, parolière et interprète. Ambitieux, ce bel ouvrage recèle aussi plein de petites surprises genre dictionnaire des instruments de musique. Un kaval (flûte de berger oblique provenant des Balkans), un tanbura bulgare (espèce de mandoline généralement cantonnée aux musiques folkloriques), une kora (sorte de harpe-luth mandingue) ou encore un kemençe (instrument turc à 3 cordes au son médiéval) font tour à tour leur apparition sur un disque qui n’est pas sans rappeler au bon (ou mauvais pour certains) souvenir de Kate Bush. Exigeant, costaud, Have One On Me se découvre par bribes. Se dompte. S’apprivoise. On en avait presque perdu l’habitude.

Julien Broquet

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