Quatre ans après le succès de son premier album, Eté 67 revient mélanger rock et chanson française. Avec, depuis Liège, une vue plongeante sur l’Ouest américain.

Le coin a des airs de ginguette de bord de Marne. A l’ombre du château, le Vieux Moulin d’Ecaussinnes accueille le dernier concert de la virée acoustique d’Eté 67 -une dizaine de dates dans des lieux inhabituels du sud du pays. On est mi-février. Le 2e album du groupe, intitulé Passer la frontière, ne sort qu’un mois et demi plus tard. En attendant, les Liégeois font chauffer la colle des nouveaux morceaux. Où il est déjà notamment question ce soir-là de Romans de gare, de « western porno », comme l’annonce Nicolas Michaux pour présenter Le cow-boy tout nu, ou encore de Clifton Chenier, le roi du zydeco. Les maquettes entendues un peu avant avaient déjà pu donner quelques indications. Rien cependant qui ne laisse deviner l’aisance avec laquelle les nouvelles chansons se meuvent sur scène. Ni celle avec laquelle elles s’infiltrent dans le cerveau. Quand le disque arrive enfin quelques semaines plus tard, il sonne familier dès la première écoute. Un bon point.

Pour en discuter, un mois plus tard, direction Liège, Outremeuse, un matin de brocante. Assis sur les banquettes boisées du « Randaxhe », les 2 Nicolas -Michaux (voix, guitare, et barbe désormais bien installée) et Berwart (le grand blond à la basse noire). Soit le tiers « décisionnel » d’un sextet qui n’a pas bougé depuis les débuts au lycée.

A eux donc de revenir sur la vie du groupe ces dernières années. C’est qu’il en a fallu du temps pour donner suite à un premier disque qui a connu son petit succès (12 000 exemplaires). Sorti en 2006, l’album avait été suivi d’une série de concerts belges, avant d’aller pointer le bout du nez en France. Souvent à l’arrache. Longues routes, courtes nuits. « On descendait sur Marseille dans la journée, pour jouer dans des arrière-salles de café où il n’y avait pas toujours de scène, avec un groupe de reprises de U2 en première partie. »« Non! C’est nous qui faisions leur première partie », rigole le bassiste (à l’extrême gauche de la photo).

à l’automne 2008, le groupe se met en stand by. Chacun en profite pour se remettre à bosser son instrument. « J’ai repris des cours de chant et retravaillé mon picking au niveau de la guitare », explique ainsi Nicolas Michaux (à l’avant- plan de la photo). Quand le groupe se retrouve au local de répèt’ de Saint-Léonard, il alterne les méthodes. « Comme des séances de clap, par exemple. On programmait un rythme, un simple fichier midi, que tout le monde devait suivre en tapant dans les mains. L’air de rien, cela soude le groupe. » A d’autres moments, chacun doit ramener 10 titres écoutés le mois écoulé – « même si c’était aussi un bon prétexte pour se retrouver et boire des coups ».

à force de lancer des pistes, les premières ébauches de morceaux commencent à tomber. En juillet dernier, le groupe esquisse ainsi une première version de Passer la frontière. La voie est tracée, vers « quelque chose de peut-être plus américain, plus folk ».

A l’automne dernier, le groupe se retrouve donc au Pyramide,  » les anciens studios de Frédéric François », qui, après avoir été abandonnés pendant près de 10 ans, retrouvent une nouvelle vie. Pas de producteur en vue, mais Renaud Houben, l’ingé son maison. Et Maxime Gendebien aussi. Le premier est posé, rigoureux. Le second pousse à l’expérimentation – « il a un côté savant fou, le genre de gars qui connaît le japonais et est obsédé par les effets de guitare ».

Accents cajuns

Mission: graver 20 titres en 20 jours. Pour les avoir déjà pas mal pratiquées, le groupe connaît les chansons sur le bout des doigts. Il se permet même entre 2 sessions de filer sur Paris pour se trouver une série de concerts, en s’invitant jusque dans les appartements parigots. « On est juste parti avec 2 bagnoles, en logeant dans l’auberge de jeunesse la moins chère de la ville. » Une escapade qui permettra d’encore modifier l’un ou l’autre détail en studio. Car au-delà, l’exercice consistera surtout à graver ce que les 2 Nicolas appellent des « moments ». Le bassiste:  » On faisait une dizaine de prises de la même chanson et à la fin de la journée, on sélectionnait celle qui correspondait le mieux à l’instant. » Le chanteur complète: « Les disques qui nous plaisent sont souvent ceux où il y a très peu de barrières entre le musicien et ses chansons. Comme On The Beach , où l’on entend littéralement Neil Young brisé en 2. « 

Le groupe enregistrera dans des conditions quasi live, privilégiant au maximum l’analogique. Roots donc, quitte à laisser passer des erreurs, pour un disque qui lorgne en effet vers l’Ouest. Le Far West même avec Le cow-boy tout nu. Ou encore la Louisiane et la musique cajun. « Ça, c’est Xavier (Dellicour, saxophone, flûte, claviers…, ndlr ). C’est un peu notre musicologue. Il ne loupe jamais les déstockages de la médiathèque. Les derniers jours, les prix descendent à 50 centimes. Il en profite alors pour faire une razzia. C’est comme ça qu’on est tombé sur les disques de Clifton Chenier, qui est la grande star de la musique zydeco. C’est une musique très pure, super belle et en même temps très festive. »

Elle s’assortit en tout cas parfaitement à l’univers du groupe, livrant les meilleurs titres de l’album, comme Passer la frontière ou Une vie saine, en duo avec Antoine Wielemans (Girls In Hawaii). Ailleurs, Eté 67 continue à creuser certains thèmes. Après Les pilules, voici par exemple Drogue douce, pour un groupe qui, comme beaucoup, s’est aussi construit dans la fête et ses excès. Nicolas Michaux: « Je ne suis jamais monté bourré sur scène. Mais pour chanter, c’est vrai que j’ai besoin d’être désinhibé. Cela fait partie d’une même ivresse. » Une révélation qui ne cadre pas forcément avec l’image très propre du groupe. « Non, mais il n’y a pas à jouer là-dessus non plus. C’est un peu comme les Beatles qui, sous leurs airs sages, montaient chargés sur scène… » Est-ce que ce ne serait d’ailleurs pas l’heure de l’apéro?

Eté 67, Passer la frontière, chez Pias.

En concert le 17/04 au Thirtysfaction Festival, à Montigny-le-Tilleul; le 7/05 au Inc’Rock festival, à Incourt; et le 11/05 aux Nuits Botanique, à Bruxelles.

Rencontre Laurent Hoebrechts

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content