SUR SON NOUVEL ALBUM, L’AMÉRICAIN ONEOHTRIX POINT NEVER A CONFECTIONNÉ UN PUZZLE SONORE FASCINANT, SECOUANT LA BOÎTE POUR EN MÉLANGER LES PIÈCES.

Le pitch: avec son nouveau disque R Plus 7 (ce titre), Oneohtrix Point Never (ce nom) a sorti son album le plus accessible. La vérité: ce n’est pas demain la veille que le bonhomme troquera la une du très branché Wire pour celle du Rolling Stone… Il n’empêche: R Plus 7 n’en reste pas moins fascinant, d’une beauté hypnotisante.

Cela fait quelques années maintenant que Daniel Lopatin, de son vrai nom, a réussi à se faire une place sur la scène électronica. Tendance cérébrale, voire expérimentale. Le bonhomme est né en 1982, à New York. C’est également cette année-là que ses parents ont débarqué de Russie. « A la maison, j’étais trop américain pour ma famille, je me sentais presque comme un gamin adopté. Mais à l’école, je me sentais trop « russe » à côté des autres gamins qui bouffaient leurs Cheetos et buvaient leur Sprite. Au final, je n’ai jamais senti cette fierté d’appartenir à une communauté. Que ce soit américaine, russe, punk, hippie… Je me suis toujours senti « liquide ». C’est un peu comme cela que je vois la musique: détachée de tous genres, ou styles de vie particuliers. »

Son éducation musicale, il l’a faite d’abord à la maison. Sa mère est prof de piano. « L’école russe: dès que tes doigts peuvent bouger, on t’assied devant un clavier. Elle voulait que je lise la musique, que mon maintien soit correct… C’était une super prof. Mais j’étais un très mauvais élève. J’ai une bonne oreille, mais je suis trop paresseux… » Le père Lopatin a lui traîné dans un groupe de rock en Russie, au synthé. Quand le gamin tombe sur le Roland Juno 60 du paternel, rangé à la cave, un monde s’ouvre devant lui. « Chaque son paraissait dingue, magique. » A 16 ans, Lopatin est un ado psychédélique qui fume des spliffs et écoute aussi bien du hip hop que du jazz fusion bourré de pianos électriques. Dans la foulée, il découvre la musique électronique, la techno, un projet comme Legowelt: « C’était mon modèle. Il créait tout seul des bandes-son de films imaginaires, uniquement avec des claviers. J’ai longtemps cherché à l’imiter avant de trouver ma propre voie. »

Les énigmes du père Lopatin

Braqué sur les idées et les concepts, Lopatin avoue avoir aujourd’hui un peu laissé tomber ses tactiques habituelles pour R Plus 7. « Cette fois-ci, j’ai composé de manière plus classique: assis au piano, à essayer de pondre une mélodie. Auparavant, je partais souvent d’un concept ou de la matière sonore en elle-même. C’était assez « athlétique » mais aussi très commode: l’important est de travailler avec précision, vous ne devez pas investir de vous-mêmes. Ici, le but était de se jeter à l’eau. Est-ce qu’il y a quelque chose de valable à dire depuis ce point de vue? »

En ressort ce drôle d’objet qu’est R Plus 7, à la fois hospitalier et cabossé, direct et abstrait. Comme une sculpture qu’on ne peut jamais saisir dans son entièreté. On lui parle également de tableau abstrait ou surréaliste; il évoque les photos étranges de l’Américain Gregory Crewdson. « Il crée des scènes très dramatiques, des situations étranges qui laissent deviner plein d’histoires secrètes. C’est à la fois très simple dans la forme: une baignoire est une baignoire, un lit est un lit… Et en même temps, le « tableau » est très inconfortable, rempli d’énigmes. J’aimerais que l’on voie mon disque comme ça. » La première des énigmes étant celle du titre. R Plus 7 pour la 7e lettre après le R dans l’alphabet? Soit le Y. Prononcez Why -pourquoi? Lopatin sourit: « J’ai toujours préféré les questions aux réponses… »

ONEOHTRIX POINT NEVER, R PLUS 7, DISTRIBUÉ PAR WARP. 8

EN CONCERT, CE 05/10, DE KREUN, COURTRAI.

RENCONTRE Laurent Hoebrechts

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