Jean-Marc Lederman

Musicien boulimique ( lire aussi page 21), Jean-Marc Lederman a collaboré au projet The World Is A Mix, avant que Pierre Lebecque ne crée Musimap. Mais il est aussi particulièrement remonté contre les plateformes de streaming. Comment voit-il dès lors l’importance grandissante des algorithmes?

En termes de recommandation musicale, l’algorithme est-il un outil utile?

Potentiellement, oui. Le problème est qu’il n’est jamais complètement neutre. Derrière, il y a toujours un humain qui a calibré l’outil. Et c’est rarement un musicien. En l’occurrence, l’algorithme est souvent formaté pour répondre à un certain modèle économique. Avec pour conséquence qu’à partir d’un outil extrêmement puissant, on en arrive à des propositions souvent très réduites. En gros, le système fonctionne plutôt bien pour les artistes mainstream. Si vous aimez Coldplay, il y a peu de chance que l’algorithme vous propose d’enchaîner avec Boards of Canada. À l’inverse, si vous êtes fan de Boards of Canada, il aura plus de mal à vous contenter.

L’outil peut-il servir à prédire de futurs tubes?

Cela reste quand même très hypothétique. L’Histoire de la pop est remplie de tubes qui n’auraient pas dû en être. Qui aurait pu dire que Laurie Anderson allait obtenir un hit avec O Superman, un morceau dépassant les 8 minutes? Donc, à nouveau, cela dépend de comment l’algorithme a été calibré, dans quel intérêt. Chez Spotify, par exemple, on s’est rendu compte qu’il y avait une demande pour une musique de fond un peu facile, au piano. Résultat: ils ont lancé un studio qui compose ce genre de morceaux à la chaîne. Si vous tapez une recherche « ambient work music », l’algorithme va directement vous diriger vers ces productions.

De plus en plus, les algorithmes sont également utilisés pour composer. Vous y croyez?

Récemment, un algorithme a réussi à refaire un titre de Nirvana. Donc oui, c’est possible. Sauf que c’est un mauvais morceau de Nirvana. J’ai toujours travaillé avec des machines. Et quelque part, l’algorithme et l’intelligence artificielle sont des outils comme les autres. Mais quand je les utilise, je veux le faire de la même manière qu’avec un synthétiseur: en trouvant la faille qui va me ramener vers le sentiment et l’émotion. Car au final, seul un robot peut vraiment communiquer avec un robot. Et je ne parle pas de Daft Punk…

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