Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

LA FORCE DES LIENS FAMILIAUX S’EXPRIME AVEC ÉMOTION DANS DEUX FILMS JAPONAIS SUBLIMES.

Notre petite soeur

DE HIROKAZU KORE-EDA. AVEC HARUKA AYASE, MASAMI NAGASAWA, KAHO. 2 H 08. DIST: LUMIÈRE.

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Vers l’autre rive

DE KIYOSHI KUROSAWA. AVEC ERI FUKATSU, TADANOBU ASANO, YÛ AOI. 2 H 05. DIST: LUMIÈRE.

8

Hirokazu Kore-eda et Kiyoshi Kurosawa ne font pas -du tout- le même cinéma. Pourtant les derniers films en date de ces deux auteurs-réalisateurs nippons majeurs se font subtilement écho, dans le choix commun d’aborder sur un mode éminemment accessible le thème des liens familiaux et de leur potentiel sublime. Le premier évoque « l’adoption », par les trois filles d’un homme tout juste décédé, de la demi-soeur adolescente qu’il a eue avec une autre femme et dont elles ignoraient jusque-là l’existence. Le second filme le retour auprès de sa femme en deuil d’un homme disparu en mer, qu’on croyait mort et… qui l’est peut-être, effectivement. La voie réaliste teintée de poésie de Kore-eda, le fantastique inscrit dans le quotidien de Kurosawa, produisent des effets différents mais aboutissent l’un comme l’autre à une célébration de l’amour (celui de quatre soeurs dans un cas, celui d’un couple dans l’autre), d’un sentiment suffisamment fort pour réinventer une famille, ou pour défier la plus cruelle des séparations: celle entre défunts et survivants.

Vers l’autre rive avance en funambule sur le fil entre réel et surnaturel. Il propose au spectateur un récit d’ordre initiatique, sur les pas d’une épouse suivant son mari revenu de l’au-delà dans une suite d’étapes qu’il a lui-même parcourues depuis sa noyade. Confrontée à la nécessité d’accepter la perte, l’absence, Mizuki a accueilli Yusuke avec une certaine surprise, mais surtout avec reconnaissance. Et c’est sans trop d’hésitation qu’elle le suivra dans un parcours aux lisières du rêve et de la réalité. Un itinéraire dans cet entre-deux entre la vie et la mort que Kurosawa restitue dans un mélange de quotidien et d’étrangeté profonde, usant d’une photographie aux couleurs idéalement dé-saturées.

Comme Vers l’autre rive, Notre petite soeur s’achève devant la mer, devant ce milieu d’origine d’où nous venons tous et qui mieux que nul autre paysage nous renvoie à notre humanité. Comme lui, aussi, mais de manière moins surprenante, il vient rappeler le cinéma du maître du mélodrame familial Yasujiro Ozu. Grand admirateur du réalisateur de Voyage à Tokyo et du Goût du saké, Hirokazu Kore-eda s’en rapproche plus encore que dans son film précédent, Tel père, tel fils. Adaptant le roman graphique d’Akimi Yoshida, par ailleurs coscénariste du film, le réalisateur peaufine encore le classicisme épanoui qu’il pratique depuis quelque temps déjà. Servi par des comédiennes aussi justes qu’empathiques, il poursuit son exploration du thème familial, celui-là même qui lui avait inspiré son chef-d’oeuvre de 2004 Nobody Knows. Des enfants survivaient alors en s’unissant, les quatre soeurs du nouveau film font groupe dans une complicité charnelle, un tissu d’affection fragile et d’autant plus merveilleux. Qui a dit qu’il était difficile de filmer le bonheur?

LOUIS DANVERS

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