It’s a Cole world

Avec KOD, le moraliste J. Cole questionne l’importance des drogues, notamment dans la culture rap actuelle. Say no go…

Appelez ça un momentum. Récemment, deux événements ont en effet animé la grande conversation pop. D’un côté, Kendrick Lamar devenait le premier rappeur à obtenir le prix Pulitzer -mieux, le premier musicien hors jazz et musique classique. De l’autre, Beyoncé créait la sensation à la grand-messe de Coachella, en y donnant un concert qualifié un peu partout d' »iconique ». La conjonction des deux actualités n’était pas seulement un nouvel indice que la culture « black » a pris les rênes de l’entertainment américain (coucou Black Panther, désormais troisième plus grosse recette de l’Histoire du box-office US). Quelque part, c’était aussi la preuve qu’elle ne doit plus forcément s’affadir pour être soluble dans le mainstream. De la charge politique de Kendrick Lamar à la fierté noire affichée par Beyoncé, il est désormais possible de combiner reconnaissance populaire et discours aiguisé.

De la même manière, l’arrivée « surprise » du nouvel album de J. Cole vendredi dernier a fait son petit effet: battant le record détenu jusque-là par Taylor Swift, KOD est devenu le titre le plus streamé le jour de sa sortie, sur la plateforme américaine de Spotify. Là aussi, on parle d’un artiste qui n’a pas sa langue dans sa poche. Si quelque chose comme le « rap conscient » existe encore, il en est d’ailleurs sans doute l’un de ses gardiens les plus fervents.

Avec ce cinquième album, le rappeur s’attaque cette fois au sujet de l’addiction. La pochette est on ne peut plus explicite: roi aveuglé par son pouvoir (comme l’est la culture rap actuelle?), J. Cole couvre des gamins en plein trip: coke pour l’un, spliff pour l’autre, et, pour le troisième, un verre de « lean ». Si ce n’était assez clair, J. Cole a même ajouté la mention: « This album is in no way intended to glorify addiction ».

Certes, il n’est pas seulement question ici de drogues. Obsession pour l’argent ( ATM), dépendances aux réseaux sociaux (la love story virtuelle de Photograph), addiction au sexe ( Kevin’s Heart), etc.: J Cole brasse large. Pour autant, les opiacés restent au centre du propos. Des antidépresseurs au pétard, ils n’aident jamais à supporter la réalité, seulement à s’en échapper brièvement, insiste J. Cole – « Meditate, don’t medicate », sur FRIENDS.

It's a Cole world

Évidemment, à l’aune des standards actuels, le rappeur de Caroline du Nord fait un peu tache. Pour le dire simplement, Cole n’est pas cool -devenant même à ce titre la cible préférée de la jeune garde (après avoir, il faut bien le dire, allumé lui-même la mèche). Avec son ton moralisateur, J. Cole peut en effet agacer. Voire assommer. Ce qui le sauve, à nouveau, c’est qu’il ne s’épargne pas lui-même, évoquant ses propres dérives ( « sipped so much Actavis I convinced Actavis that they should pay me« , sur KOD), ou l’alcoolisme de sa mère ( Once an Addict). De ce point de vue « privilégié », J. Cole peut se permettre plus facilement d’interroger la fascination pour la drogue, notamment quand elle est entretenue par une certaine culture rap. Quitte à maintenir l’aliénation? « These white kids love that you don’t give a fuck/’Cause that’s exactly what’s expected when your skin’s black », balance J. Cole sur 1985. Le débat est lancé…

J. Cole

« KOD »

Distribution Universal.

7

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