DRAME DE GASPAR NOÉ. AVEC MONICA BELLUCCI, VINCENT CASSEL, ALBERT DUPONTEL. 1 H 39. 2002.

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« Ignoble! » « Odieux! » « Insupportable! » « Dégradant! » « Criminel!« . Les épithètes volaient bas lors de la présentation au Festival de Cannes. Certains voulaient faire interdire le film (voire même le brûler), d’autres « casser la gueule » à Gaspar Noé. Lequel, encadré de ses interprètes Monica Bellucci et Vincent Cassel, souriait discrètement à une déferlante d’attaques qu’il n’avait pas pu ne pas prévoir, au moins en partie… Le scandale visait l’ultra-violence du film, et en particulier la longue et assurément très éprouvante séquence du viol d’Alex (Bellucci) dans un passage souterrain. Mais on stigmatisait aussi et dans le plus grand désordre la misogynie supposée du cinéaste et son homophobie présumée… Une minorité voyait bien qu’Irrésistible était un grand film, et essayait de le dire. Mais comment se faire entendre dans le chaos ambiant, riche de résonances médiatiques liées aussi au statut de stars de son couple vedette? Et pourtant, quelle oeuvre passionnante que ce cauchemar éveillé, narré à rebours (en ordre chronologique inversé, de la fin au début) et dégageant une puissance poétique inouïe!

Masculin/féminin

Noé avait proposé à Cassel et Bellucci un projet de chronique amoureuse centrée sur une relation érotique intense, qui ne serait pas simulée. Les acteurs avaient hésité, accepté, puis s’étaient rétractés tout en répétant leur désir de tourner avec le jeune réalisateur italo-argentin. Lequel avait alors rebondi spectaculairement sur l’idée d’Irréversible, remettant à plus tard ce qui allait devenir Love… Celui qu’on a voulu clouer au pilori du machisme signa un film profondément féministe, allant du mal vers le bien, de la mort vers la vie, d’un masculin présenté comme hanté par la violence, mortifère, à un féminin incarnant l’élan vital. Il n’y a que des mâles au début (d’où le club gay où Marcus -Cassel- et son ami Pierre -Albert Dupontel- achèvent leur quête de vengeance dans une terrifiante noirceur) et uniquement des femmes à la fin (autour d’une Bellucci enceinte, sous un soleil et une palette de couleurs superbes). De l’enfer sur terre au paradis, à rebours du temps et aussi de l’interprétation stupide imposée immédiatement au film, qui n’a pas su voir dans la fameuse scène de viol le passage (symbolique et souterrain) entre univers féminin et masculin, création de la vie et négation même de celle-ci. Comme le dit la sagesse chinoise, « quand le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt« … Loin de la complaisance pour la violence graphique de nombre de ses collègues, Gaspar Noé fait de son film une épreuve (morale mais aussi physique) pour celle ou celui qui le regarde. Irréversible est aujourd’hui une évidence!

L.D.

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