Indice des feux

Dans sa chambre d’hôpital, avec en fond sonore une radio qui déverse des nouvelles d’inondations dans le pays et au-delà, un adolescent se dit que  » crever de la leucémie à 16 ans, c’était pas le plan A« . Si son corps surnage dans ce purgatoire, son esprit imagine autant d’affluents d’une apocalypse aqueuse qui renverserait ce qui l’entoure, de ses proches à la planète. Véritablement (é)mus par l’environnement en train de dépérir ou de se modifier, jusqu’au vertige (cette affliction nouvelle qu’on nomme éco-anxiété ou solastalgie), voilà ce qu’ont en commun les protagonistes de ces sept fictions lucides, saisis à des moments de bascule (une grossesse vécue en parallèle de l’extinction des baleines franches dans Couplet, une disparition angoissante des oiseaux dans Générale). Est-il encore temps, comme le suggère Louis dans Feux doux, de rapiécer notre relation au vivant? D’étendre la notion du care bien au-delà de notre biais spéciste? De nous placer sous la houppe généreuse d’un orme tout en nous échinant à le sauver de la graphiose, comme Grand dans Ulmus Americana?  » Il faut prendre soin […]. Prendre soin de tout, en particulier de ce qui est en train de disparaître« , même quand  » tout ne change jamais que pour le pire » est le message qui se distille ici, quand le silence devient pesant entre les êtres et les coeurs bien trop lourds. Comme les animaux délogés de leurs terriers se relocalisent à proximité des villes, le lecteur qui chavirera face à ce constat déchirant trouvera à son tour refuge dans une langue qui résiste, toujours bourgeonnante et une empathie qui, elle, n’a en rien épuisé sa sève.

d’Antoine Desjardins, éditions La Peuplade, 360 pages.

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