Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

LA NOUVELLE EXPO DE NICOLAS KARAKATSANIS DÉROUTE: IL FERA EN SORTE QU’AUCUNE IMAGE NE SOIT DIFFUSÉE AVANT ET PENDANT L’ÉVÉNEMENT. RARE ET COHÉRENT.

Ways of Seeing – Episode 1

NICOLAS KARAKATSANIS, ALICE GALLERY, 4, RUE DU PAYS DE LIÈGE, À 1000 BRUXELLES. DU 12/11 AU 23/12.

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Ways of Seeing – Episode 1. Le titre du nouvel accrochage de Nicolas Karakatsanis n’a rien d’anodin. Il suffit d’effectuer un simple copier-coller pour que tout s’éclaire. Ways of Seeing – Episode 1 fait référence à une série de quatre documentaires filmés en 16 mm et diffusés en 1972 sur la BBC. A travers ce programme d’une durée globale de deux heures, le critique d’art John Berger se penchait sur la culture esthétique occidentale et ce que celle-ci pouvait avoir d’idéologique. Le message était directement tiré d’un essai de Walter Benjamin –L’OEuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique-, soit: dans un monde où foisonnent les images, notre accès à l’oeuvre est médié, voire totalement biaisé. Un constat qui relève de l’évidence mais également de… l’impensé. Nous ne remettons plus en cause cet étrange rapport à l’oeuvre d’art. Pire: nous confondons les registres, à l’instar de ce que Magritte dénonçait avec son fameux « Ceci n’est pas une pipe« . Nous prenons le reflet pour la chose. Dans la foulée, Nicolas Karakatsanis nous rappelle que les parutions des magazines et les photos postées sur les blogs n’entretiennent qu’un vague rapport, forcément trompeur, au travail artistique présenté. En toute logique, le directeur de la photographie plébiscité par Michaël R. Roskam (Rundskop) -Karakatsanis sera de l’aventure du prochain long métrage avec Matthias Schoenaerts et Adèle Exarchopoulos en 2016- a décidé que sa nouvelle exposition ne connaîtrait pas ce type de distorsion. Du coup, aucune image ne sera diffusée à la presse, ni avant ni pendant l’exposition. En lieu et place, l’intéressé a consenti à demander au photographe de mode Willy Vanderperre de lui tirer le portrait, des images qui n’ont bien entendu aucun lien direct avec ce qui sera montré lors de l’exposition. Au final, c’est donc totalement puceau de représentations que le spectateur intrigué se présentera à la galerie Alice dès le 12 novembre.

Expérience iconique

Comment décrire ce que l’on n’a pas vu? C’est l’aporie que fait naître cette démarche pour le moins radicale. Autant dire que le 9 sur 10 attribué en guise de note est une sorte de chèque en blanc fait au photographe. Cela dit, il n’est pas tout à fait exact d’écrire que l’on n’a rien vu. Lors d’une rencontre avec Karakatsanis, une planche contact a permis d’inventer ce que donneraient les 21 images qui seront présentées. Le travail fait appel à l’imagination car si l’on mesure toute la dimension de « Master of Darkness » de ce photographe de 38 ans qui prouve, une fois encore, sa proximité avec la peinture -fonds qui rappellent Manet, corps dignes d’un Zurbaran et mises en scène évoquant Michaël Borremans-, il est impossible de concevoir le résultat final. Celui-ci sera extrêmement travaillé, restituant cette « vibration mystique » que Walter Benjamin attribuait aux icônes, oeuvres d’avant la déperdition de l’aura. C’est d’autant plus vrai que le parcours dans lequel les photographies, tirées sur Diasec en différents formats (de 40x40cm à 1,20×1,80m), prendront place exclura toute lumière naturelle et que certaines images feront un pas du côté de la sculpture en raison de leur inscription dans une gangue de résine. Le tout pour une rencontre unique entre le spectateur et la texture des images dont les obscurités, brillances et autres reliefs apparaîtront virginaux. Un vrai miracle.

WWW.ALICEBXL.COM

MICHEL VERLINDEN

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