Si Pias externalise son offre via les Pias Nites ou en rachetant un magasin de disques (Bilbo à Leuven), le nouveau bâtiment qu’il occupe au centre de Bruxelles permet l’inverse: d’accueillir le monde extérieur. En l’occurrence le restaurant Humphrey, installé à droite en entrant dans la réception. Une cuisine haute fusion -employant l’ancien sous-chef du fameux Nomaétoilé de Copenhague- pas forcément bon marché mais qui s’adopte au beat de l’endroit. Notamment en organisant des petits-déjeuners lors du prochain Record Store Day du 16 avril. Peu probable que la mixité sociale ou économique soit à l’esprit des architectes Fernand et Maxime Brunfaut lorsque le bâtiment dans sa forme actuelle est inauguré en mars 1932. Il est alors conçu pour compléter les locaux du quotidien Le Peuple,journal du mouvement socialiste, jusque-là installé dans un édifice voisin de la rue des Sables. Le choix du style, moderniste, vient aussi de l’intérêt des architectes pour les tendances du constructivisme soviétique, privilégiant le béton: « Les Belges étaient très performants dans ce matériau qui s’assemble comme un lego, comportant ici trois niveaux vitrés et une tour étendard qui pointe à 20 mètres« , explique Jean-Marc Basyn, historien de l’architecture et copain de la famille Pias.

Vaisseau propagandiste

« Le béton était beaucoup moins cher que la pierre ou la brique, d’autant qu’il y avait pénurie de ce matériau après la Première Guerre mondiale. A l’origine, l’immeuble était en contrebas du trottoir, ce qui donnait l’impression qu’il flottait un peu. Cette typologie de bâtiment était aussi fréquemment utilisée, notamment dans les pavillons provisoires des foires commerciales, représentant Moulinex ou Eternit ». Après le départ du Peuple en 1977, différents projets interrompent le vandalisme du bâtiment ou son squattage, mais le plan de le démolir pour en faire un parking au mitan des années 80 -autre brillante idée belge…- prend fin lorsque la façade du bâtiment est classée en 1989. « Jusqu’à un mètre de profondeur, ce qui oblige par exemple de rejointoyer les carrelages de façade à l’identique ». En 2001, la région espagnole des Asturies achète le lieu pour en faire sa représentation auprès des institutions européennes à Bruxelles. Jean-Marc Basyn: « La Casa de Asturias a investi pas mal d’argent ici, avec aussi un bar et le désir d’en faire un centre de vie, mais cela n’a jamais pris. Le bâtiment a fermé à nouveau en 2011, les Asturiens quittant assez précipitamment l’endroit. Tout juste s’ils n’avaient pas laissé de cigarette fumante en partant… » Basyn souligne le côté « propagandiste » du vaisseau, « les vitres expriment la transparence du socialisme [… ], et l’ensemble rayonne comme un phare dans la ville ». Reste donc à espérer que Pias, de son QG resplendissant, irradie davantage encore Bruxelles et au-delà.

PIAS, 36-38 RUE SAINT-LAURENT, 1000 BRUXELLES, WWW.PIAS.COM

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PH.C.

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