ESPRIT CONTESTATAIRE, FAUSSE NONCHALANCE, MÉLODIES INFECTIEUSESPARQUET COURTS A LA GUITARE ET LE NOUVEL ALBUM (HUMAN PERFORMANCE) QUI LE DÉMANGENT. RENCONTRE AVEC LES REJETONS DE RICHARD HELL ET JONATHAN RICHMAN…

Mi-février. A une petite traversée en bateau, où certains embarquent dans une voiture électrique, de la gare d’Amsterdam, nous attendent Andrew Savage et Austin Brown. Petites lunettes d’intello pour le premier. Tronche et dégaine de Thurston Moore moderne pour le deuxième. Les deux chanteurs, guitaristes et compositeurs de Parquet Courts passent tellement incognito dans ce bar-restaurant hollandais que les serveurs leur parlent en néerlandais.

Les deux potes, qui se sont rencontrés aux études (à Denton, à l’Université de North Texas), ont plutôt bien tiré leur épingle du jeu depuis qu’ils ont créé leur groupe à Brooklyn en 2010 avec le bassiste Sean Yeaton et le frère cadet d’Andrew, Max, à la batterie. Parquet Courts a sorti cinq albums, une flopée de 45 tours, d’EP et de splits. Tourné aux quatre coins du monde, enregistré un live chez Jack White et joué à Werchter. Il n’a jamais cependant été une histoire d’ego. « Nous ne voulons pas verser dans le culte de la personnalité, insiste Savage. Qui sommes-nous en tant qu’individus? Je ne sais pas. Et je ne veux pas vraiment non plus que les gens le découvrent si ce n’est à travers mes chansons. »

Sa manière de se voir, de se penser se reflète dans son utilisation des réseaux sociaux. Parquet Courts n’est présent ni sur Facebook ni sur Twitter. « C’est un chouette moyen de s’attacher sa communauté de suiveurs. De se faire mousser. De se créer une identité. Je comprends pourquoi Rihanna est très active sur le Web. Les gens se préoccupent autant de ses albums que de son dernier sauna. Mais nous notre manière d’interagir avec le public est uniquement liée à la musique. »

De vrais passionnés qui ont eu leur club secret, The Knights of the Round Turntable, à l’université. « Une bande de nerds très timides qui écoutaient des disques sous des lumières fluorescentes. » Et possèdent aujourd’hui leur propre label: Dull Tools (Heaven’s Gate, Soda, Beth Israel)… « J’aime partager du son avec mes potes. Mettre en évidence de la musique jeune et souterraine. C’est l’une de mes plus grandes joies. Le label est une extension de cette situation. » Et de citer en exemple les membres de Sonic Youth. « A côté du groupe, ils dirigeaient leur petite maison de disques (Ecstatic Peace!, NDLR) et collaboraient avec un tas de musiciens. Ils ont toujours embrassé l’underground à l’inverse d’un U2, de mecs qui sont devenus des rock stars et n’écoutent probablement plus pour seule musique que la leur… N’oublie jamais d’où tu viens. »

Ils ont les pieds sur terre et la tête sur les épaules, les rois du parquet. Eux qui vendaient encore il y a peu de l’herbe quand ils ne jouaient pas les coursiers ou les réceptionnistes d’hôtel. « J’ai été jusqu’à nettoyer des toilettes dans les recoins les plus sales de Williamsburg, avoue Brown. Rien qui ne fasse vraiment rêver. »

Violence et enfermement

Derrière les morceaux et les concerts énergiques du groupe à guitares new-yorkais, héritier des Modern Lovers, Television et autres Buzzcocks, tourne en permanence le cerveau d’Andrew Savage. Fils d’un journaliste sportif, Andrew semble obsédé par l’emprisonnement. « Notre album précédent Sunbathing Animal l’évoquait plus directement, mais il reste au centre de mes préoccupations. Je parlerais peut-être davantage de confinement ici. Notamment du fait d’être réduit à certains rôles en tant qu’être humain dans la société. Ma mère a été en prison quand j’étais gamin. J’imagine que mon intérêt pour l’incarcération est lié à cette expérience. C’est à la fois triste, morbide et fascinant. »

Two Dead Cops parle de la relation particulière qu’entretient l’Amérique avec la brutalité et la violence. « Récemment, à Brooklyn où j’habite, dans le quartier de Bedford Stuyvesant, deux flics étaient assis dans leur voiture et se sont fait descendre. Tout le monde l’a déploré à travers le pays. Les Etats-Unis ont cette espèce de vénération pour la loi. Ça a ébranlé l’opinion publique. Et c’est bien de pleurer ces événements. Mais être américain reste une constante confrontation à ce genre de choses. C’est la vie de tous les jours. Je suis épargné. Parce que je suis blanc et que la plupart des violences, celles émanant des officiers de police en tout cas, s’abattent sur des Noirs. Quant aux armes, elles sont chez nous une religion. C’est l’une des choses les plus tristes et embarrassantes qui soient. Ça ne changera pas avec un nouveau président. »

Partiellement fabriqué dans le Massachusetts, au studio Sonelab, et à Chicago, avec Tom Schick et Jeff Tweedy, dans le loft de Wilco, Human Performance, l’album, a majoritairement été enregistré dans une ancienne église des Catskills. Le studio Dreamland, dirigé par Jerry Marotta, batteur pour Peter Gabriel et Stevie Nicks croisé sur des disques d’Iggy Pop, Elvis Costello et Axelle Red. « Les Breeders y ont enregistré Last Splash. Les B-52’s Cosmic Thing et leur single Love Shack. » Disque efficace, le plus pop et collaboratif des Parquet Courts, Human Performance doit son titre à un morceau dont les couplets évoquent furieusement Franz Ferdinand. « On a essayé d’oublier nos vieux trucs. De se débarrasser de nos petites habitudes. Je chante de manière plus mélodieuse qu’avant, même s’il y a toujours cette façon un peu particulière (faussement nonchalante, NDLR) de délivrer notre musique. » Bavard, Savage a un petit mot pour tout. L’espace de répète qu’il partage avec Future Punx. Son intérêt pour le western (« J’ai beaucoup aimé The Revenant »), la littérature (« J’ai récemment lu Céline et le dernier Houellebecq ») et les mixtapes. « Avant, quand tu aimais une fille, une cool indie girl, que pouvais-tu faire d’autre pour la séduire? » « Moi, j’en conçois toujours l’une ou l’autre avec des trucs qui m’inspirent avant de commencer à bosser sur un disque », termine Brown. Contenu top secret qu’on vous laisse le soin de deviner.

HUMAN PERFORMANCE, DISTRIBUÉ PAR ROUGH TRADE/KONKURRENT.

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LE 21/06 AU TRIX (ANVERS).

TEXTE Julien Broquet

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