Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

SUICIDÉ À 33 ANS, LE LÉGENDAIRE DONNY HATHAWAY RESTE UNE VOIX MÉCONNUE DE LA MUSIQUE SOUL. UN COFFRET SE CHARGE DE REMETTRE LES PENDULES À L’HEURE.

Donny Hathaway

« Never My Love: The Anthology »

DISTRIBUÉ PAR RHINO.

9

Certains ont parfois besoin d’une carrière entière pour constituer une oeuvre. D’autres par contre n’ont pas tout ce temps-là. Pendant une petite dizaine d’années, Donny Hathaway a connu le succès, avant de se suicider en sautant de la fenêtre de son hôtel, en janvier 1979, pour cause de dépression et de schizophrénie. Il laissera quatre albums studio (dont l’un en duo avec Roberta Flack) et un disque live. C’est peu mais assez pour filer le frisson et s’assurer une place de choix au panthéon de la soul music, régulièrement cité et célébré par la nouvelle génération.

Né à Chicago en 1945, élevé par sa grand-mère, il a commencé dans le jazz avant de bosser pour Curtis Mayfield. Les années 60 se terminent alors dans le chaos. Le mouvement des droits civiques est sonné, laissé groggy après l’assassinat de Martin Luther King. C’est la fin des illusions, jusque dans la musique soul qui se fait plus revendicatrice. En 70, Curtis Mayfield sort son premier album solo, très politisé. La même année, Hathaway publie Everything Is Everything. Le disque contient son premier tube: The Ghetto. Un classique (que l’on retrouve par exemple sur la BO d’Intouchables…), long de près de sept minutes, empruntant son balancement chaloupé au latin-jazz. Ou comment combiner commentaire social tranchant et groove imparable.

Soul concerto

Le morceau est évidemment présent sur la compilation concoctée par Rhino. Découpé en deux parties et en mono, il apparaît sur un premier CD, regroupant les principaux titres des trois albums solo du bonhomme. Y compris son tout premier single, I Thank You Baby, chanté aux côtés de June Conquest, façon Tammi Terrell-Marvin Gaye. C’est d’ailleurs en duo, avec une autre chanteuse, l’immense Roberta Flack (Killing Me Softly), rencontrée à l’université, qu’Hathaway connaîtra ses plus gros succès: ils sont regroupés sur un deuxième CD.

Deux autres disques complètent l’anthologie. L’un propose une série de démos et d’inédits, démontrant l’ampleur du talent d’un chanteur-compositeur autant inspiré par Stevie Wonder (Memory of our Love) que par Ravel ou Debussy (les 20 minutes symphoniques du Zyxygy Concerto). Enfin, le dernier disque rassemble des morceaux enregistrés sur scène. Un endroit que l’homme appréciait et maîtrisait parfaitement: son Live sorti en 1972 est régulièrement cité parmi les meilleurs témoignages scéniques jamais sortis. L’album mélangeait des prestations données dans deux petits clubs intimistes: le Troubadour de Los Angeles et le Bitter End de Manhattan. Le CD proposé par l’anthologie Never My Love se concentre sur le concert du Bitter End. Une soirée au cours de laquelle Hathaway reprend notamment le What’s Goin’ On de Marvin Gaye, terminant avec une version d’un quart d’heure de The Ghetto, solo de congas compris.Vibrant.

LAURENT HOEBRECHTS

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