NÉ SUR LES CENDRES DE WOMEN, VIET CONG DÉBARQUE EN FORCE AVEC UN PREMIER ALBUM SOMBRE, LABYRINTHIQUE, PERCUTANT ET HYPNOTISANT. POST-PUNK, CUPCAKES ET VIBROMASSEUR…

Qu’ils soient ou pas de scène, certains noms sont plus compliqués à porter que d’autres… En choisissant celui de Viet Cong, expression qualifiant le Front national de libération du Sud Vietnam, cette guérilla d’inspiration nationaliste et communiste qui installait des « pièges à cons » et construisait des tunnels au coeur de la jungle, la sensation canadienne de ce début d’année ne s’est pas particulièrement facilité la tâche.

« On reçoit un e-mail tous les quinze jours, raconte leur bassiste et chanteur Matt Flegel, aussi grand que souriant, dans les coulisses de l’AB Club où il assure le soir même la première partie de Ought. La plupart du temps, ils émanent de Vietnamiens d’Amérique. Genre: mon père a été prisonnier dans un camp au Vietnam pendant huit ans. Les gens ont besoin de choses contre lesquelles s’offenser. En même temps, sans manquer de respect à qui que ce soit, je m’en fous. Nous ne sommes que quatre blancs-becs de Calgary en début de trentaine qui font de la musique. Il n’y a aucune motivation politique derrière ce nom.  »

Matt, qui a longtemps bossé dans les revêtements de sol, a été pendant cinq ans, jusqu’à son implosion, belle empoignade sur scène à l’appui, le bassiste et percussionniste de Women. Groupe rampant et psychédélique déjà signé sur Jagjaguwar. « Monty (Scott Munro, ndlr) et moi avons accompagné Chad VanGaalen sur les routes pendant un an. Un soir, alors qu’on jouait dans une petite communauté, ce genre de patelin où tout le monde pointe le bout de son nez quand il se passe un truc, on s’est dit qu’on devrait monter un groupe ensemble. S’enfermer dans une cave avec nos guitares.  »

C’est précisément ce qu’ils ont fait pour accoucher de Viet Cong. Embrigadant le batteur de Women Mike Wallace et un pote guitariste avec lequel Flegel et Wallace avaient fondé un cover band de Black Sabbath… L’EP Cassette n’a pas tardé à leur dégager l’accès des blogs et magazines spécialisés.

« Quand nous nous sommes lancés pour la première fois sur les routes, nous avions besoin d’un bazar à vendre, explique Munro, qui à la ville vend des cupcakes. Alors, nous avons écouté toutes nos chansons et sorti celles à l’état le plus avancé en évitant les piliers potentiels de l’album. Nous possédons des versions différentes de tous les titres qui figurent sur le disque. Nous les avons d’ailleurs réécoutées récemment… » « Et nous avons scellé un pacte, ponctue son complice. Si un membre du groupe vient à mourir, nous devons brûler l’ordinateur…  »

Drôle de pensée pour des musiciens vigoureux en pleine force de l’âge. Sauf que le guitariste de Women Chistopher Reimer est parti prématurément. Emporté dans son sommeil par la grande faucheuse à 26 ans seulement. « La mort d’un proche te réveille, commente Matt, évasif. Mais son laptop à lui n’a pas été détruit et il recelait tous ses secrets. J’ai détesté ça.  »

La première tournée de Viet Cong est déjà toute une aventure en soi. « On s’est entassés dans une Toyota Echo et on a joué presque tous les soirs pendant sept semaines pour presque rien. On n’avait pas de fric. On dormait dans la caisse ou dans l’herbe.  »

Pour le même prix, Matt était convaincu d’homicide à La Nouvelle-Orléans… « Rien de grave. J’étais le papa sobre au volant. Les gamins avaient picolé et pris des champignons. J’étais en train de me garer calmement quand un mec bourré a glissé sur une bouse de cheval, s’est frappé la tête par terre et a atterri quasiment sous mes roues sans que je m’en rende compte. Des gens m’ont arrêté in extremis juste avant que je lui passe sur le crâne. »

Post-apocalyptique

Enregistré dans une grange rénovée près de Hamilton dans l’Ontario avec leur ami Graham Walsh de Holy Fuck, Viet Cong est un premier album sombre, lourd, hypnotisant et efficace ouvert par une référence à Burroughs et son Festin nu (Newspaper Spoons) et clos sur une explosion vertigineuse de batterie digne des Swans. « Un putain de compliment, se réjouit Flegel. Mais à côté d’eux, nous sonnons comme des bambins. Ils sont si acharnés et implacables. Ils te défoncent la tête et te consolent derrière avec quelque chose de beau et d’apaisé.  »

Une description qui sied au post-punk inspiré de Viet Cong. « La plupart de mes disques favoris ont été enregistrés en Grande-Bretagne entre 1978 et 1983. Ces temps-ci, on est dans des trucs plutôt gothy. Les premiers Cure. 154 de Wire. Une bonne partie de cette musique est liée au climat de son époque, sans doute similaire à ce que tu peux voir et vivre dans certains coins de Calgary. C’est froid. Ça craint. Tu regardes autour de toi et tu te demandes ce que tu fous là et pourquoi tu es en vie? Je partage la vision post-apocalyptique de nombreux groupes post-punk. Et puis, tous ces enregistrements sonnent si bien. Ils rendent mes oreilles heureuses.  »

Comment ne pas craquer pour un groupe qui sonne aussi bien que Viet Cong, chante le ridicule de l’existence et utilise un vibromasseur comme instrument (le dernier son de l’EP Cassette)? « Je jouais à Londres avec le groupe WoodPigeon dont je remplaçais le bassiste, éclaircit Munro. Le batteur avait réalisé, j’imagine avec celui de sa copine, que mettre un vibromasseur sur son tom créait un super son. On s’est adressé à un type en lui disant qu’on cherchait un vibro. Le mec nous a répondu: « Vous tombez bien, ce club était auparavant un sex-shop et tout le stock traîne encore à l’étage. » Nous en avons pris une quinzaine. Ça donne un super effet aussi avec une guitare. Matt joue d’autres choses encore mais il vaut mieux ne pas les mentionner ici. »

?VIET CONG, DISTRIBUÉ PAR JAGJAGUWAR/KONKURRENT.

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?LE 17/02 AU KREUN (COURTRAI) ET LE 18/02 AU BOTANIQUE.

RENCONTRE Julien Broquet

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