Golden Rushen

jeune pianiste jazz prodige, Patrice Rushen s’est tournée à la fin des années 70 vers une musique toujours érudite, mais plus directement dansante.

À moins d’avoir développé un goût particulier pour la scène disco-funk des années 70-80, le nom de Patrice Rushen ne vous rappellera peut-être pas grand-chose. Sa musique davantage. Une chanson en dit parfois plus qu’un long discours: vous n’avez en effet pas pu passer à côté de Forget Me Nots. Soit via sa version originale, qui fut déjà à l’époque le plus gros hit de l’intéressée. Soit via sa relecture, encore plus tubesque, que Will Smith en a donnée sur le morceau-titre du film Men In Black. Forget Me Nots -sa ligne de basse signée Freddie Washington, ses handclaps, son refrain emblématique- est évidemment présent sur la compilation concoctée par le label Strut. Dans une version 12 » longue de sept minutes, histoire de prolonger le plaisir comme c’était souvent le cas pour la dance music de l’époque. Puisque c’est bien de cela qu’il s’agit.

Nourritures terrestres

Au départ, Patrice Rushen grandit pourtant dans le jazz. Née en 1954, à Los Angeles, elle commence le piano à l’âge de cinq ans. Ado, elle fréquente la Locke High School, lycée noir ouvert en réponse aux émeutes de Watts. Quand elle y croise un jour Quincy Jones, le maître l’encourage, et lui dit surtout de ne pas se limiter à un style. Un conseil dont elle fera son mantra. À 20 ans, elle sort son premier album, Prelusion, sur le label jazz Prestige Records. Deux autres suivent, ainsi que des collaborations avec, notamment, le violoniste français Jean-Luc Ponty, qui la branche sur ses expériences fusion.

Golden Rushen

En 1978, elle prend cependant la tangente. Elle rejoint l’enseigne Elektra. L’idée? Créer une musique à la fois dansante et élaborée. Au moment où les expérimentations du free ressemblent de plus en plus à une impasse, le r’n’b et la disco se font de leur côté de plus en plus sophistiqués: le chantier s’annonce passionnant.

Patrice Rushen se retrouve ainsi à bosser avec Prince sur son premier disque (elle joue du synthé sur Baby). Lui-même lui proposera plus tard (l’explicite) I Wanna Be Your Lover (elle déclinera)… Elle sort le premier de ses cinq albums pour Elektra en 1978 – Patrice. Il contient déjà un hit, dont le titre sonne presque comme un manifeste: Music of the Earth. Aussi détaillé et luxuriant soit le funk-r’n’b-disco proposé par Rushen, le groove reste en effet central. Pour ce faire, la musicienne reçoit carte blanche. À défaut d’être toujours correctement soutenue par son label: en 1982, elle se retrouve à financer elle-même la promo de son album Straight From the Heart, sur lequel se trouve… Forget Me Nots. Ayant achevé son contrat chez Elektra, Rushen enregistrera encore un album de r’n’b (pour Arista), avant de réaliser l’un de ses rêves -écrire des musiques pour le cinéma et la télé-, et de commencer une carrière dans l’enseignement. Entre-temps, ses chansons n’ont pas été oubliées pour autant. Depuis les coulisses du show-biz, elle a pu voir comment sa musique a continué d’irriguer celle des autres, le hip-hop notamment: de J Dilla à Nas, en passant par De La Soul, elle a été samplée plus de 300 fois. Une autre forme de reconnaissance, complétée aujourd’hui par une compilation des plus chatoyantes.

Patrice Rushen

« Remind Me (The Classic Elektra Recordings 1978-1984) »

Distribué par Strut.

7

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