TROIS ANS APRÈS AVOIR QUITTÉ HOOVERPHONIC, GEIKE ARNAERT SORT DU BOIS AVEC UN PREMIER ALBUM SOLO, FOR THE BEAUTY OF CONFUSION, CRÉÉ EN QUASI AUTARCIE. RENCONTRE…

« How does it feel to be on your own?« , chantait le poète… Le 13 décembre 2008, à Ekaterinbourg, au beau milieu de l’Oural russe, Geike Arnaert donnait son dernier concert avec Hooverphonic. Après 10 ans de bons et loyaux services, la chanteuse prenait la tangente. Un adieu à ce qui fut, à la charnière des années 2000, l’un des principaux produits d’exportation belge. Une position en or lâchée pour un grand saut dans le vide. « On m’a beaucoup dit que je faisais une connerie, que j’allais me retrouver à la rue… J’ai reçu également des marques de soutien, c’est pas ça. Mais pas mal de gens étaient inquiets. C’est sûr qu’il est toujours plus confortable de rester dans sa case. « 

On retrouve la chanteuse 3 ans plus tard. La chevelure a subi une coupe drastique, bloquée à la base du cou, un peu à la Patricia Kaas. Mais elle a gardé la même blondeur, raccord avec la blancheur de peau de l’intéressée. Geike Arnaert profite des derniers rayons de soleil estivaux à la terrasse d’un grand hôtel bruxellois. A une autre table, un peu plus loin, le comédien bruxellois Sam Touzani, son compagnon et manager. « Il m’aide énormément. Le fait de travailler ensemble quand on forme un couple? C’est très… intense », glisse-t-elle rapidement. La discussion a démarré déjà depuis une petite demi-heure et Geike paraît presque détendue. Presque. « J’essaie de faire un effort pour les interviews. Ce n’est certainement pas encore suffisant pour bien passer à la télé, par exemple -j’ai besoin de temps pour réfléchir et ne pas avoir l’impression de répondre en l’air. Mais c’est mon disque, je veux le défendre. Même si la manière la plus naturelle pour moi de communiquer avec un public, cela reste quand même les chansons et la scène. Je le fais depuis que je suis petite. J’ai besoin de ça. «  En attendant, l’image de la fille froide et distante tient bon. Mais si Arnaert arbore volontiers la froideur des blondes hitchcockiennes, c’est aussi et surtout une vraie timide. Quand, après son départ du groupe, on demanda à Alex Callier, vrai leader d’Hooverphonic, ce qu’il avait appris de Geike après plus de 10 ans passés ensemble, il réfléchit longuement avant de répondre: « … que les gens sont des énigmes… « 

Tenir la distance

Geike Arnaert (1979) a grandi du côté d’Heuvelland, pas loin de Dranouter et de son festival folk. « Cela m’a permis de découvrir plein de musiques. Joni Mitchell, Elvis Costello… «  Elle a 9 ans quand elle participe à ses premiers concours dans les kermesses du coin. Un jour, dans la voiture, alors que l’autoradio est généralement branché sur la familiale Radio 2, c’est l’alternative Studio Brussel qui est préférée. « Je devais avoir 11, 12 ans, ils ont passé les Lemonheads. J’ai trouvé ça fantastique, une vraie révélation! » Vient ensuite la période Nirvana, et puis les premiers petits groupes. A 18 ans, elle rejoint Hooverphonic, qui vient de sortir son premier album, porté par le tube international 2Wicky. Elle en restera la chanteuse jusqu’en 2008, quand elle décide de larguer les amarres pour de bon. « On m’a proposé de combiner les 2: Hooverphonic et une carrière solo. Mais ce n’était pas possible. Je me serais toujours raccroché au cocon du groupe. Vous savez, quand je l’ai quitté, j’y avais passé quasi la moitié de ma vie. Tout le monde a grandi, moi aussi. Mais à un moment les rôles sont fixés. Vous pouvez essayer de les modifier, ce que tout le monde voulait aussi d’une certaine manière. Mais on revenait toujours sur les mêmes positions. « 

Après 6 mois de réflexion, Geike se lance, commence à écrire. Elle participe aussi au projet Dorléac avec le Néerlandais Spinvis. Une dose de confiance en plus pour une entreprise qui bosse en petit comité, histoire de garder au maximum le contrôle. Frank Duchêne, clavier des premiers Hooverphonic, produit le disque, rejoint par Yannick Fonderie « et son arsenal de vieux synthés ». Les albums de son précédent groupe sonnaient sixties, seventies: celui de Geike sonne par moments volontiers années 80, comme dans In Gold, Strange Disorder ou encore This Page dont la guitare a presque des accents à la Simple Minds. « Pas faux, sourit-elle, même si au départ on est plutôt partis sur un riff à la Nine Inch Nails. « 

Si For The Beauty of Confusion s’éloigne, sans complètement s’affranchir, du passé de la jeune femme, il continue de dresser un voile entre elle et ses chansons. « C’est ce qui a été le plus compliqué: prendre de la distance par rapport à ma propre histoire. Chaque chanson part de ma vie. Mais il fallait aussi que je m’en éloigne. Il y a une logique à cela, créer des personnages et les laisser prendre possession de cette autre histoire. «  Reste toujours alors la question: que dévoile ce premier album solo de Geike Arnaert? En quoi lui correspond-il? « Le titre dit beaucoup. Je parle des choix que l’on peut faire, comme celui de partir. Le fait que certains ont parfois besoin de se mettre en difficulté pour avancer, de toucher l’obscurité. Devoir vaciller pour grandir… Et puis avoir le courage de regarder la vérité en face. La plupart préfèrent la sécurité… Mais le confort ne vous rend pas forcément toujours heureux. «  Aujourd’hui, elle avoue que d’avoir travaillé sur For The Beauty of Confusion lui a donné une certaine structure dans sa vie.  » En fait, je suis la première surprise que ce disque se soit fait. Qui l’eut cru? »

Quand on lui demande si elle a peur, elle éclate de rire. C’est la première fois…

GEIKE, FOR THE BEAUTY OF CONFUSION, BERTUS. **

ENTRETIEN LAURENT HOEBRECHTS

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content