Avec Truelove’s Gutter, il a sorti le disque mélancoliquo-gothique de 2009. Et si Richard Hawley était la vraie tête d’affiche des prochaines Nuits Botanique?

2006, cérémonie de remise du Mercury Prize. Quand les Arctic Monkeys montent sur le podium chercher le prestigieux trophée musical, Alex Turner lance: « Appelez la police, Richard Hawley vient de se faire voler son prix! » En compétition avec l’album Coles Corner, Hawley était en effet reparti bredouille. Pas grave. Le disque a fait son chemin. En Angleterre en tout cas. Ici un peu moins. Heureusement, Truelove’s Gutter, sorti l’automne dernier, est venu (un peu) réparer ça.

Richard Hawley (Sheffield, 1967) y livre un crooning au ralenti, à la mélancolie sépulcrale poignante, quelque part entre Sinatra et Elvis. Pour en parler, on le rencontre dans un palace historique bruxellois, guitare à la main, clope au bec. Il porte ses lunettes noires à la Roy Orbison, et affiche une banane rock’n’roll un peu fracassée. Un peu comme son parcours d’ailleurs, agité, avec passage par la case addiction. La discussion débute d’ailleurs par là… « Pendant longtemps, j’ai pris trop de drogues. De tout. Aujourd’hui, je ne bois même plus de café. « 

Il paraît que pour enregistrer Truelove’s Gutter, vous avez voulu vous couper du monde: pas de gsm, pas d’Internet…

Ce sont des outils utiles. Mais cela vaut surtout quand je suis sur la route. De retour à la maison, vous vous rendez compte du temps que vous passez devant l’écran. Vous devenez rapidement dépendant. J’étais à l’aéroport hier. On pouvait voir sur la tête des gens leur soulagement, quand ils se sont rendu compte qu’il y avait du wi-fi… Aujourd’hui, avec la technologie, vous pouvez être assis dans le divan à côté de la personne que vous aimez, et chattez avec quelqu’un qui se trouve au Brésil. Si vous y pensez 2 secondes, c’est vraiment étrange. Donc voilà, j’ai appris à être à nouveau un homme. Je veux dire: pas l’homme macho, viril. Juste être le mari, le frère, le fils… Réapprendre tous ces différents rôles sans être tout le temps distrait… Je pense que m’être coupé un moment de tout ça a fait de moi quelqu’un d’un peu meilleur. Et m’a aidé à créer peut-être une meilleure musique.

D’accord, mais d’où provient la charge émotionnelle de votre musique?

Je souhaiterais pouvoir mettre ça dans une boîte, l’entourer d’un beau ruban rouge, et vous le donner en cadeau. Mais je ne peux pas. Je ne sais pas. C’est le travail d’une vie aussi, vous savez… La seule chose que je me suis dite à un moment, c’est que si tel titre était susceptible de devenir un hit, il était immédiatement jeté à la poubelle. Même si c’était une super chanson.

Pourquoi?

Je ne voulais pas jouer le jeu de la radio… Pour moi, vous faites partie de la solution ou du problème. Or je pense qu’on a un grand problème au niveau de la culture moderne. Un exemple: si vous n’écrivez pas quelque chose qui enrobe l’oreille, qui puisse passer pour une sonnerie gsm, vous êtes foutu. Vous ne serez pas joué à la radio. Personnellement, j’ai énormément de chance que ce disque récolte un peu d’attention. C’est chercher les ennuis que d’écrire encore des chansons longues de 10 minutes. Pourtant, les Doors ont écrit Riders on the Storm. Et The End. Les Beatles ont pondu Hey Jude. Même Queen a fait Bohemian Rhapsody. Il y a plein d’exemples dans un passé pas si lointain, où la culture était un peu plus libre et ouverte. Les hommes d’affaires ont envoyé bouler tout ça, ils ont tout ramolli… Je ne suis pas en train de dire qu’il faudrait tous se mettre à faire du prog rock, mais simplement s’ouvrir un peu plus l’esprit. En Angleterre, vous avez la BBC, financée par les pouvoirs publics. Le but c’est de pouvoir bénéficier d’informations impartiales, de programmes culturels intéressants et diversifiés… Le résultat? Des chansons pop de 3 minutes. Pourquoi? J’ai l’impression que l’on va vers une société de la moyenne, où tout est pareil…

En même temps, la culture rock dont vous êtes issu s’est construite sur la fulgurance, les chansons de 3 minutes qui bouleversent une vie.

Oui, et j’adore ça! Je dis juste que cela n’est pas la seule option. Mon pote Jarvis Cocker a lancé son propre show sur BBC 6 et c’est génial. Il joue des morceaux longs et des titres pop incroyables de 2 minutes. C’est juste libre!… Il n’y a que 12 notes en musique. Et pourtant, malgré ça, on est arrivé à créer des musiques tellement différentes depuis des siècles. C’est incroyable. Donc je ne peux pas comprendre qu’on puisse écarter des genres, les polariser.

Peut-on dire malgré tout que vous faites une musique mélancolique?

Elle l’est, oui. Mais j’essaie d’y glisser de l’espoir. Un peu. Pas trop ( sourire).

Quelque chose comme une mélancolie anglaise, est-ce que cela existe?

Vous l’avez en face de vous ( rires). Je suppose, oui… Mais je ne pourrais pas la définir.

Peut-être par son penchant pour le sarcasme ou l’ironie?

C’est vrai. J’imagine que c’est une manière de ne pas inclure une partie de soi. Cela vous permet de vous tenir à distance émotionnellement. Ce que je trouve difficile. Je suis toujours très proche de mes chansons.

For Your Lover, Give Some Time joue de ce registre-là, le crooning un peu ironique

Il y a de l’humour, oui. Mais en même temps, c’est très sombre! C’est la chanson que j’ai écrite le plus rapidement. En 15 minutes, lors d’une pause en studio… Le truc, c’est que les bonnes chansons ne quittent jamais votre tête. A vous rendre presque dingue. Il y a un léger facteur de maladie mentale dans le fait d’écrire des chansons, vous savez. Vous vous demandez d’où cela vient, pourquoi cela arrive… Je ne fais pas de la musique pour gagner ma vie. C’est ce qui m’habite depuis que j’ai 9 ans.

Vous vous rappelez d’un moment précis?

Oui, je me trouvais dans ma chambre, tard le soir. J’aurais dû dormir depuis longtemps. Quand mon père est monté, il a vu la lumière en-dessous de la porte. Il est rentré: « Qu’est-ce que tu fais encore éveillé à cette heure-ci? » J’étais avec ma guitare sur le lit. Je lui ai répondu: « Il y a cette chanson, mais je ne sais plus de qui elle est. «  Il m’a demandé alors de la lui jouer. A la fin, il m’a dit: « C’est la tienne. Maintenant éteins la lumière et dors » ( rires). En me couchant, je n’arrêtais pas d’y penser: « Wouaw, c’est la mienne! Etrange… » Aujourd’hui encore, cela reste mystérieux.. .

u Richard Hawley, Truelove’s Gutter, EMI.

u En concert le 17/05, au Cirque Royal, Bruxelles,

dans le cadre des Nuits Botanique.

Rencontre Laurent Hoebrechts

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