Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

BOB MARLEY AURAIT EU 70 ANS CETTE ANNÉE. DE QUOI RELANCER LA MACHINE À RÉÉDITIONS ET AUTRES « INÉDITS ». DONT CE LIVE CAPTURANT LA STAR REGGAE À SON APOGÉE.

Bob Marley & The Wailers

« Easy Skanking in Boston ’78 »

DISTRIBUÉ PAR UNIVERSAL.

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Nul besoin d’encore présenter Bob Marley. Chanteur-prophète charismatique, figure tutélaire de la musique reggae, première véritable vedette mondiale issue du Tiers-Monde… En une décennie -les seventies-, le Jamaïcain est devenu l’un des visages clés de la culture pop. Sa capacité à transcender un genre local et à en faire un medium universel, convainquant jusqu’aux plus rétifs (« je n’aime pas le reggae, mais ça j’aime bien… »), a aidé. Son discours politique et sa destinée tragique aussi: mort en 1981 d’un cancer, âgé d’à peine 36 ans, Marley ne pouvait que devenir une icône (qu’a fait récemment Obama dès qu’il a mis le pied en Jamaïque? Filer jusqu’au musée Bob Marley…).

Obtenir ce genre de statut a souvent un prix. Cela fait ainsi longtemps que Bob Marley n’est plus qu’un poster, le titre d’un spectacle sur Broadway. Pire: une marque. Les héritiers Marley n’ont ainsi jamais lésiné sur le merchandising, utilisant la figure rasta pour vendre des casques, des montres, du café, ou même du… cannabis. Et la musique là-dedans? On y vient. A la faveur de l’anniversaire de la star -qui aurait eu 70 ans cette année-, la machine à rééditions devrait tourner à plein régime. En commençant par ce Easy Skanking, qui se focalise sur la face « live » du mont Marley…

Le dernier exercice du genre avait pu laisser sceptique. Sorti en 2011, Live Forever était le témoignage souvent « soniquement » boîteux de l’ultime concert de Marley. Voilà au moins un reproche qu’on ne peut pas faire à Easy Skanking: la qualité de l’enregistrement est impeccable. Capté en juin 1978, à Boston, il revient sur l’un des points culminants de la carrière de Marley. Celui-ci vient de publier Kaya, successeur d’Exodus, chef-d’oeuvre sorti à peine un an plus tôt. A ses côtés, les Wailers proposent un line-up de feu, avec les « historiques »Aston Barrett (basse) et son frère Carlton (batterie), Tyrone Downie (clavier), Junior Marvin (guitare)… Plus affûtés que jamais, ils troussent un groove reggae faussement nonchalant, réellement luxuriant, ponctué par les interventions des I-Threes. Le concert de Boston démarre ainsi sur un faux rythme (Slave Driver, Burnin’ & Lootin). Le temps de chauffer la machine probablement. Dès I Shot The Sheriff, elle va s’emballer une première fois. Passé l’inamovible No Woman No Cry, Marley et sa bande s’embarquent dans une odyssée reggae héroïque: il faut écouter les huit minutes de Jamming, orgie rythmique électrisée par le chanteur messianique. En rappel, Marley revient avec une triplette irrésistible: War, Get Up Stand Up, Exodus, à l’enfilade. Usés jusqu’à la corde, ils restent pourtant ces rares moments où le message politique s’accommode d’une suavité musicale inouïe.

A noter que le CD est accompagné d’un DVD. Il est composé de sept morceaux tournés par un mystérieux « fan » que Marley avait laissé filmer depuis le premier rang. Drôle d’objet, largement dispensable, il ne suffit toutefois pas à gâcher le plaisir. Si Easy Skanking ne déboulonnera pas les intouchables que sont Live! (1975) et Babylon By Bus (1978), il est en effet une piqûre de rappel bienvenue, une preuve supplémentaire du génie Marley.

LAURENT HOEBRECHTS

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