Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

OPÉRA OUF – POUR LEUR 3E ALBUM, LES CANADIENS HARDCORE DE FUCKED UP, JAMAIS AVARES D’UNE PIROUETTE, SE SONT LANCÉS DANS UN OPÉRA-ROCK. SURPRISE: L’AMBITION LEUR VA BIEN.

« DAVID COMES TO LIFE »

DISTRIBUÉ PAR MATADOR.

Au départ, il y a des concepts qu’il faudrait bannir. Celui d’opéra-rock, par exemple. Il faut bien l’avouer, à peu de choses près, le terme ne présage rien de bon. Les cas de dérapages pompiers ont toujours été plus nombreux que les grandes réussites lyriques, le grotesque ayant une fâcheuse tendance à rattraper le rockeur qui se rêvait auteur, avec un grand A… Une question de format sans doute, de paradoxe ontologique: comment accom- moder la fulgurance du rock aux grandes épopées?

Voilà le genre de question qui ne fait pas peur aux gusses de Fucked Up, adeptes pourtant d’un punk sauvage, d’un son hardcore enragé. On avait appris à les connaître avec l’excellent The Chemistry of Common Life. Les voilà qui sortent aujourd’hui David Comes To Life, présenté comme un véritable opéra-rock, £uvre ambitieuse, longue de près de 80 minutes. Un coup de folie? Une démarche logique, selon eux. Si le punk, joyeusement nihiliste et anar’, s’amuse à pogoter dans les codes établis, pourquoi ne pourrait-il pas se permettre de bousculer jusqu’aux siens? Voilà qui devient intéressant…

Dès le départ en fait, Fucked Up a toujours tenté de ne pas faire comme les autres. De par son nom déjà, condamnant de facto le sextet à la marge médiatique -qu’attendre d’autre de toutes manières d’un groupe dont les membres se font appeler Camp de concentration, ou Gaz moutarde… Formé en 2001, Fucked Up a aussi aligné les concerts sauvages. Des gigs, remplis de sang, de sueur et de larmes, se terminant régulièrement dans le chaos. Mais la démarche n’est pas qu’un simple défouloir. Farouchement anti-fasciste, Fucked Up a aussi toujours essayé d’accorder sa posture politique à son approche musicale, parfois radicale. Comme quand, nous renseigne Wikipedia, il sort un morceau de 16 minutes, contenant 18 pistes de guitare, un solo batterie de 3 minutes, et un air sifflé de 5…

Mur du son

A cet égard, David Comes To Life a quelque chose de directement accessible. Bien sûr, Fucked Up joue pied au plancher, et la voix de Damian Abraham continue de brailler comme un bouledogue asthmatique, le tout sur le mur du son formé par les 3 guitares du groupe. Mais il y a aussi des ch£urs de filles qui font le contrepoint, des intros acoustiques ( A Slanted Tone, Truth I Know… ) et un goût de la mélodie instantanée, qui viendrait de l’amour des Canadiens pour la Brit Pop. Un peu comme si Oasis rencontrait Hüsker Dü? Genre.

Les 18 titres sont découpés en 4 actes, emballés d’une vague histoire: celle d’un certain David, évoluant dans le décor glauque d’une ville industrielle anglaise à la fin des années 70, et qui perd son amour dans un attentat terroriste. On n’a pas vraiment eu besoin de ces précisions pour plonger dans ce David Comes To Life. Car ce qui frappe ici, c’est encore et toujours la ferveur et l’intensité de chaque geste. Chaque chanson donne ainsi l’impression d’être balancée comme si c’était la dernière. Au fond, cela doit être ça, une démarche punk…

EN CONCERT LE 20/08 AU PUKKELPOP.

LAURENT HOEBRECHTS

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