Freud & la pop

Pop’philosophie. Le mot a été mis à toutes les sauces -le plus souvent, avec une intention méprisante. La pop’philosophie, c’est un peu vulgaire: c’est la philosophie qui sort dans la rue pour aller aguicher le passant, parce qu’elle n’a rien de mieux que son porte-jarretelles pour susciter son désir. Pourtant, derrière ce concept inventé par Gilles Deleuze dans les années 70, il y avait davantage que l’organisation d’une rencontre pute entre la culture pop (donc « cool ») et la spéculation philosophique (donc « noble »). Dans son esprit, la pop’philosophie, cela devait être une manière de rénover la pensée par l’exploration d’intensités neuves, comme celles qu’on trouve dans la pop. Klaus Theweleit, auteur de nombreux livres étonnants sur le désir de tuer, les fantasmes masculins ou les liens entre image et mémoire, l’a bien compris. Dans Freud & la pop, il tente même de l’appliquer à un domaine encore trop souvent réservé à la spéculation sèche: la psychanalyse. Partant des premières expériences avec la cocaïne menées par Sigmund Freud à la fin du XIXe siècle, il interroge les liens entre inconscient, altération du soi et création culturelle -qu’elle soit contemporaine du Viennois, ou plus proche de nous. De Robert Musil, Thomas Mann et Stefan Zweig aux screwball comedies des années 40, de Marcel Duchamp à Prince, d’Alfred Hitchcock à Sun Ra, il en profite pour proposer une généalogie inédite des inventions culturelles ayant bouleversé le XXe siècle -une généalogie accompagnant les découvertes freudiennes comme leur ombre. Qui, alors, a inventé quoi? Est-ce la psychanalyse qui fut première -ou au contraire la culture populaire? Posée dans ces termes, la question, pour Theweleit, n’a pas de sens. Ce qui compte, c’est le fait que la fascination pour le côté obscur de la psyché ait trouvé dans la modernité récente une palette inouïe d’instruments, qu’ils soient théoriques ou artistiques, pour en poursuivre l’exploration et en domestiquer les forces. Smart.

Freud & la pop

De Klaus Theweleit, éditions L’Arche, traduit de l’allemand par Christophe Lucchese, 144 pages.

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