Frantumaglia

Sa saga L’Amie prodigieuse a fait le tour du monde. Et sa véritable identité l’objet des plus folles spéculations. L’Italienne Elena Ferrante revient avec, non pas un roman, mais un recueil dense et passionnant de lettres, d’entrevues, d’essais et de réflexions littéraires. Sous-titré L’Écriture et ma vie, le volume se livre évidemment en réalité beaucoup plus sur la première. Car c’est l’écriture seule, telle  » une sécrétion de la chair », qui compte pour la romancière: raconter des histoires de manière efficace afin que le lecteur y puise, au choix, le miroir de sa propre personne ou la compréhension d’un monde moderne auquel il n’appartient plus. Le reste n’est pour elle que curiosité médiatique. Divisée en trois parties, cette compilation couvre les années 1991 à 2016: les deux premiers romans L’Amour harcelant et Les Jours de mon abandon qui marquent ses débuts littéraires; le troisième roman Poupée volée, qui lui tient particulièrement à coeur et où la relation mère-fille et l’anéantissement du corps de la femme au profit de celui de la mère sont décrits de manière sublime, et enfin la tétralogie L’Amie prodigieuse, best-seller international censé ne former qu’un seul très long roman. Ferrante raconte que c’est au départ ce qu’elle appelle  » la frantumaglia » qui s’est imposée à elle pour écrire:  » mal-être… foule de pensées hétérogènes… rebuts flottant sur l’eau boueuse de son cerveau ». Et qui nourrira les thèmes récurrents de ses romans: la notion d’abandon, l’antagonisme cruel entre l’innocence et la culpabilité, le rôle de la maternité qui relève du « tremendum », le féminisme non militant mais émancipateur et surtout Naples comme un  » prolongement de son corps », qui la presse et la trouble. À lire absolument… pour les derniers réfractaires.

d’Elena Ferrante, traduit de l’italien par Nathalie Bauer, Éditions Gallimard, 456 pages.

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