François Damiens se montre sous un jour inédit dans La famille Wolberg, épatant premier long métrage d’Axelle Ropert. Loin du Belge de service…

Dans le genre film qui ouvre de nouveaux horizons, c’est sûr que La Famille Wolberg arrive à point nommé pour François Damiens. Il y avait bien eu Le Premier Venu de Jacques Doillon, ou encore Les Hauts Murs de Christian Faure, pour le détourner un temps du terrain de la comédie où il excelle au demeurant; démonstration, ces jours-ci encore, avec L’Arnac£ur. Rien, toutefois, qui lui offre, comme le premier long métrage d’Axelle Ropert, un rôle de l’envergure de celui de Simon Wolberg. Sous les traits de ce dernier, maire provincial et père de famille envahissant, individu en mal d’amour et porteur en même temps d’un lourd secret, Damiens dévoile une palette de jeu inédite, évoluant dans un registre dramatique multiple pour lequel il montre d’appréciables dispositions. « J’ai tourné ce film parce qu’il m’a fait peur à la lecture du scénario, explique-t-il, alors qu’on le retrouve dans un hôtel bruxellois autour d’un petit-déjeuner sans façons. Je me suis demandé si je serais capable de faire ça. A partir du moment où on se pose ce genre de questions, on est dans le bon. Le but est un peu de se mettre en danger, de ne pas savoir si on va y arriver ou pas. » Une façon aussi, même inconsciente, de rompre avec l’emploi du Belge de service dans lequel il aurait pu se voir confiné ad nauseam – « Je suis encore prêt à le faire, mais il faut que cela soit justifié. Mais les réalisateurs ont plutôt envie d’aller appuyer sur des boutons qui n’ont pas encore été enfoncés, et me parlent de la violence qu’il y a en moi, de la tristesse. Doillon est le premier à être parti là-dessus… »

Le voilà suivi, aujourd’hui, par Axelle Ropert. Critique de cinéma, scénariste de La France de Serge Bozon et auteure d’un moyen métrage remarqué, Etoile Violette, la réalisatrice de La Famille Wolberg a, de toute évidence, bousculé les habitudes de Damiens. Immergé dans un univers qui lui était inconnu, celui d’une famille juive ashkénaze, ce dernier a par ailleurs découvert une méthode de travail qui ne lui était guère plus familière. « Axelle Ropert avait une vision très claire et précise. Je me devais de connaître mon texte à fond, je ne pouvais absolument pas improviser. Un gros travail, pour moi, à qui, bien souvent, le réalisateur, après avoir briefé tout le monde, dit: « Et toi, François, ce sera comme d’habitude, tu te places où tu peux, tu fais ce que tu veux, tu te trouves une pirouette quand tu peux le faire… »

Sans filtre

Une mécanique de précision, donc, pour un acteur compensant l’absence de technique – « Je n’ai pas fait d’école de théâtre »- par une sincérité de chaque plan: « Je ne fais que ressortir les émotions que j’ai en moi. Je donne de moi, chaque fois, c’est un investissement personnel qui peut se révéler fragilisant à certains moments. Au moment de choisir un film, je réfléchis donc 2 fois plus que si j’allais juste faire mon petit numéro de chambre. » S’agissant de Simon Wolberg, François Damiens s’en est rapidement senti assez proche: « J’en ai beaucoup parlé avec Axelle. Il y avait 4 ou 5 facettes de sa personnalité que j’avais intégrées et qui étaient complètement en moi. » A quoi s’ajoute l’intérêt pour les dynamiques familiales. « J’adore tout ce qui tourne autour de la famille, la vie toute simple, la vie de tous les jours. A partir du moment où c’est fait avec précision, cela devient intéressant. » Une règle qu’il appliquait déjà aux caméras cachées de François l’Embrouille. « Quand tu fais la comédie, tu te rends compte qu’il faut en faire très très très peu, mais qu’il faut être juste. Dans les films, c’est ce qui m’intéresse aussi. J’aime faire des films crédibles, des trucs qui pourraient se passer dans la vie de tous les jours. »

Avec, toujours, ce qu’il faut de décalage en option -postulat que ne démentirait d’ailleurs pas Simon Wolberg, être pour le moins paradoxal, puits de douleur rentrée mais encore excentrique cocasse, capable par exemple d’abreuver des écoliers éberlués d’un discours argumenté sur la soul américaine. « J’aime partir d’une situation qui peut paraître assez décalée, et bousculer ensuite un peu en rajoutant une dose de véracité, d’humanité qui fait que « psccht », en un coup, tu te mets à y croire, et tu transportes les gens dans cette véracité. Observer les gens, c’est ce que je préfère, et c’est là que je puise tout. Je n’aime pas trop regarder des films; ce qui m’intéresse, c’est voir la vraie vie, les gens comme ils sont, sans filtre, sans écran. » Et sans embrouille…

Rencontre Jean-François Pluijgers

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