Assis, dit-il, sur un stock de 50 000 vinyles, Jean-Roger Roncada, DJ JR « De Monreal » Roncada pour les noctambules, est ce qu’on appelle un crate digger. Un fouilleur de caisses. « Je me suis payé mes premières plaques à seize ans. Depuis, je suis devenu un acheteur compulsif et j’ai parcouru des millions de kilomètres pour trouver des disques, avoue-t-il. Pour moi, c’est une chasse au trésor. Quand tu commandes sur Internet, ce que je fais aussi, c’est nettement moins drôle. Tu sais ce que tu vas trouver dans ta boîte aux lettres… » Jr est spécialisé dans les sixties et les seventies. « Je mets du garage, du latino… Mais mon truc, c’est la soul uptempo. Si tu ne bouges pas là-dessus, c’est que tu es mort.  »

Le bonhomme a le sens de la punchline. Le goût du commentaire assassin et péremptoire. « Il y a 20 ans qu’on fait de la merde en musique » et « il est rare qu’un album contienne plus de deux bons morceaux » sont le genre d’assertions qui sortent de sa bouche avec autant d’aplomb que de conviction. Alors JR, qui estime en avoir 20 000 à la grosse louche, est un amoureux du 45 Tours. « Son son est différent. Plus punchy. Plus puissant. C’est le meilleur support quand tu es disc-jockey. D’autant qu’il est plus léger et moins encombrant. Quand je vais mixer, je ne prends que deux boîtes de 45 tours avec moi. Des pressages originaux. Ça fait 150 disques, je peux déjà tenir quelques heures…  »

JR a horreur du terme collectionneur -« je ne mets pas mes disques en vitrine, je ne garde que ce que j’apprécie, ce que je veux et vais écouter« – mais il assume sans sourciller celui de spéculateur. Il revend sur Discogs, dans des foires, à des passionnés qui passent lui rendre visite. « Le principal c’est de garder ce que tu aimes. Quand c’est pour moi, j’essaie de ne pas trop claquer mais il y a des trucs que je paie et que je vends très cher. J’ai déjà fourgué un 45 Tours à 800 dollars. Faut bien manger… Puis, ce ne sont que des morceaux de plastique hein. Si tu les laisses au soleil, ils sont foutus. Ils ne me suivront pas dans mon cercueil.  »

Globe-trotteur de la musique, Jean-Roger doit prochainement aller explorer un container aux States… « Du sixties neuf dans l’état d’origine auquel personne n’a touché depuis 1980. C’est champagne. Un peu comme si j’avais gagné au Lotto. Quand j’aurai rentré le lot, tout le monde sera à ma porte. Il doit y avoir 100 000 45 Tours et certains peuvent valoir jusqu’à 2000 dollars. Parce que les Anglais mettent la main au portefeuille pour ce genre de trucs. Je n’achète pas un chat dans un sac. Je vais juger sur place. Ils vont me laisser trois jours pour me décider. Si je ne prends pas tout, je rentrerai au minimum avec 10 000 pièces. » Sa clientèle, ces dernières années, a rajeuni. « Heureusement. Si je ne vendais qu’à des mecs du troisième âge, je n’aurais plus foi en l’avenir… »

J. B.

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