David LaChapelle expose ses derniers clichés à Bruxelles. Son créneau: les über-célébrités. Sa méthode: une photo ultrapop, kitsch et baroque.

David LaChapelle n’oubliera probablement jamais la date du 25 juin 2009. Ce jour-là, un peu avant 15 h, le site du Los Angeles Times confirmait la nouvelle de la mort de Michael Jackson.

Plusieurs fois, le photographe avait essayé de prendre en portrait le roi de la pop. Normal, l’hyperstar concentrait tous ses thèmes favoris: la célébrité, la gloire, l’adoration pop, mais aussi la vanité et la tragédie qui accompagnent souvent ceux qui atteignent l’Olympe. Depuis plus de 20 ans, LaChapelle fait ainsi défiler les stars devant son objectif – d’Angelina Jolie à Marilyn Manson en passant par Björk, Bowie. Son style? Une mise en scène baroque, jouant sur les références pop, tableaux kitsch à l’ironie souvent mordante, quand elle ne flirte pas simplement avec le mauvais goût. L’artiste n’a pas que des partisans. En attendant, il a créé une esthétique unique. Qui a fait école: quelqu’un comme Lady Gaga apparaît en effet comme une £uvre vivante de LaChapelle… Quand on lui en parle, il concède, du bout des lèvres, y retrouver certains de ses tics visuels. « Je l’ai rencontrée avant même qu’elle ne devienne une star globale. C’est quelqu’un de brillant, très simple, pas du tout une diva. Pour elle, j’ai refait un shooting pour la cover d’un magazine (le Rolling Stone, ndlr), ce que je ne faisais plus depuis longtemps. »

Quelle importance la musique a-t-elle dans votre vie de tous les jours?

Je m’en sers par exemple pour installer une atmosphère sur un shooting. Il n’y a rien de mieux. Quand vous faites un portrait de quelqu’un, que vous devez expliquer ce que vous avez en tête, c’est souvent plus rapide que des mots. Et puis les sessions peuvent être parfois très longues, débutant à 13 h pour se terminer le lendemain matin à 10 h. Pour tenir le coup, la musique est meilleure que n’importe quelle drogue. Au milieu de la nuit, le DJ doit jouer la bonne musique pour que tout le monde reste alerte.

Vous avez rencontré Andy Warhol au Studio 54, temple de la disco. Cette musique a-t-elle représenté votre premier choc musical?

J’ai d’abord écouté les disques de ma s£ur. Elle a 10 ans de plus que moi. Quand j’avais 6 ans, j’écoutais donc la collection de 45 tours d’une ado de 16 ans… Je me suis pris très tôt un album comme le double blanc des Beatles, par exemple; les Stones aussi… Cela marque évidemment. Après cela, c’est vrai que la disco a été très importante. C’était tellement délirant, tout le monde dansait tout le temps. Aujourd’hui j’ai parfois l’impression que les clubs sont devenus très ennuyeux. Partout dans le monde, vous trouvez ces endroits où les mecs restent assis, à commander des bouteilles de champagne, mais où personne ne danse.

Vous ne vous retrouvez plus dans le clubbing actuel?

Le fait est que j’ai besoin d’une voix humaine. Tout ce truc répétitif, l’électro, je ne tiens pas. Ce que j’aime, c’est vraiment la soul music dans le sens le plus large. C’est une toute autre culture. En hiver, les gens venaient avec des vêtements de rechange, parce qu’ils savaient qu’ils sortiraient trempés de sueur après avoir dansé toute la nuit. Ils allaient se changer dans les vestiaires avant de repartir.

Dans votre dernière série de clichés, vous avez fait appel à un sosie de Michael Jackson pour réaliser les tableaux que vous n’avez jamais eu l’occasion de faire. Quelle était votre intention?

Pour moi, Michael est un martyr des temps modernes. Il a été jugé en permanence. Alors qu’à la base, il a passé son temps à diffuser de l’amour. Ce n’est pas le Christ, mais par bien des côtés, il lui ressemble. On s’est braqué notamment sur sa couleur de peau, le fait qu’il ait voulu devenir blanc, faisant de lui une sorte de monstre. Aujourd’hui, on sait que c’était une maladie qui a entraîné la dépigmentation!

Il y a eu également les accusations de pédophilie…

Je suis convaincu de son innocence. Il n’a pas été épargné pourtant. Il a été traîné devant le tribunal, le procès a coûté 80 millions de dollars! On l’a persécuté jusqu’à la mort. Et nous sommes tous responsables… Vous savez, toute la vie de Michael a été documentée, vous pouvez réécouter toutes ses interviews depuis le début: il parle dès le départ de Dieu, d’amour… C’est quelqu’un qui aimait vraiment les gens, se souciait réellement du sort de la planète… Tout cela, il le mettait dans une musique incroyable. Et pourtant, cela ne l’a pas empêché d’être harcelé…

Qu’est-ce qui vous fascine le plus chez lui? L’artiste ou la tragédie de la star planétaire?

L’artiste a atteint des sommets que personne d’autre n’a atteints. Et en même temps, une chute d’autant plus brutale… Il a livré au monde des heures de danse et de joie, c’est incalculable. Mettez un de ses morceaux en soirée et regardez ce qui se passe! Au final, la leçon est qu’il faut être prudent quand on juge les autres. Ne vous attardez pas sur la couleur de peau, par exemple – même quand elle change…

Vous qui jouez beaucoup sur le glamour des idoles pop, n’avez-vous pas l’impression qu’Internet a banalisé la musique? Gratuite, c’est comme si elle avait perdu son aura, comme si tout le monde pouvait en faire…

Le glamour existe toujours, ne vous inquiétez pas. Pour le reste, tant mieux si chacun peut s’y mettre! Ce serait fou de s’en plaindre. Au contraire, je trouve ce mouvement très positif. Par contre, tout le monde ne peut pas écrire de la grande musique.

Vous utilisez beaucoup l’imagerie religieuse. La musique peut-elle être encore une religion? N’a-t-elle pas perdu son côté sacré?

Non, je ne pense pas. Comme tout art, elle continue d’amener les gens vers un sentiment de spiritualité, de bonté… La musique a ce pouvoir-là, de vous élever, de vous inspirer, de donner de la joie… Mais si la musique a ce potentiel, à nouveau, tout le monde ne l’atteint pas tout le temps. l

David LaChapelle, Eden, jusqu’au 22/05, à la galerie Alain Noirhomme, 1000 Bruxelles. www.alain-noirhomme.com

Entretien Laurent Hoebrechts

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