DE 1940 À 1951, CINQ FILMS DE LA SÉRIE DES UNIVERSAL MONSTERS REJOUENT EN VARIATIONS RADICALEMENT DIFFÉRENTES LE MYTHE DE L’HOMME INVISIBLE.

Le Retour de l’homme invisible

DE JOE MAY. AVEC CEDRIC HARDWICKE. 1940. DIST: ELEPHANT FILMS.

La Femme invisible

D’A. EDWARD SUTHERLAND. AVEC VIRGINIA BRUCE. 1940. DIST: ELEPHANT FILMS.

L’Agent invisible contre la Gestapo

D’EDWIN L. MARIN. AVEC JON HALL. 1942. DIST: ELEPHANT FILMS.

La Vengeance de l’homme invisible

DE FORD BEEBE. AVEC JON HALL. 1944. DIST: ELEPHANT FILMS.

Deux nigauds contre l’homme invisible

DE CHARLES LAMONT. AVEC ABBOTT ET COSTELLO. 1951. DIST: ELEPHANT FILMS.

7

L’éditeur français Elephant Films poursuit son précieux travail d’exhumation de productions Universal Monsters. Après Frankenstein, le loup-garou ou la créature, c’est donc l’homme invisible qui y passe, un vivifiant corpus sériel ayant succédé au séminal The Invisible Man de James Whale (1933). Soit cinq longs métrages certes moins définitifs, mais dont la singularité s’exprime en variations libres et très contrastées sur le fameux roman SF de H.G. Wells.

En 1940, Le Retour de l’homme invisible propose une suite directe au classique de Whale. Ingénieux et ludique, le film se concentre sur le concept d’une folie vengeresse et meurtrière consécutive au sentiment grisant de puissance véhiculé par l’idée même d’invisibilité. Les effets visuels sont signés John P. Fulton, futur collaborateur fétiche de Hitchcock et maître dans l’art de la dissimulation, la pluie et la fumée agissant ici comme implacables révélateurs. Si le happy end est éclatant, il sourd surtout de ce drame partagé entre ombre et lumière une humeur résolument plombée.

A contrario, La Femme invisible, sorti la même année, se présente comme une pétillante comédie à tendance « screwball ». De celles que Katharine Hepburn avait pour habitude de porter sur ses épaules graciles. Virginia Bruce y passe le plus clair de son temps nue mais invisible, offrant au film son climax érotisant le temps d’une séquence où elle s’incarne en une simple et affolante paire de collants. Aux commandes de cette récréation un brin potache aux entournures, et outrée dans le jeu, A. Edward Sutherland, habile faiseur ayant collaboré avec W.C. Fields, Stan Laurel et même Chaplin, n’est peut-être pas Capra, ni Hawks d’ailleurs, mais use d’une épatante science du rythme, et file avec intelligence la métaphore de l’invisibilité des femmes dans la société d’alors.

Deux ans plus tard, L’Agent invisible contre la Gestapo, honnête film d’espionnage et de propagande où l’on pointe la présence inquiétante de Peter Lorre, avalise l’idée d’un changement radical de registre à chaque film. Tandis que La Vengeance de l’homme invisible (1944) se fend d’un récit sombre et revanchard à la Monte-Cristo, rejouant la lutte antédiluvienne du bien contre le mal. « J’ai vu l’homme invisible« , y entend-on absurdement un détour de l’un des innombrables rebondissements émaillant le film. Une phrase qu’auraient très bien pu prononcer Abbott et Costello, tandem burlesque au coeur de Deux nigauds contre l’homme invisible (1951), spectacle décousu, à la mise en scène un brin relâchée, mais dont le jeu quasiment expérimental d’apparitions et de disparitions hérité de la tradition de la prestidigitation renvoie avec bonheur aux origines foraines du cinéma cher à Méliès.

NICOLAS CLÉMENT

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