MARK WAHLBERG N’EST NI LE PREMIER NI LE DERNIER DES BAD BOYS À FAIRE CARRIÈRE DANS LE CINÉMA. DE MITCHUM AU FIGHTER EN PASSANT PAR DEPARDIEU, PORTRAITS D’ACTEURS AU PASSÉ MOUVEMENTÉ.

« Il n’est pas indispensable d’être fou pour faire du cinéma. Mais ça aide énormément« , prétendait le producteur Samuel Goldwyn. Il y a, de fait, pas mal de barjots dans l’industrie hollywoodienne et mondiale du film. Certains comédiens affichent même de fameux antécédents. Vols, violence, arnaques, trafic… Quelques bad boys ont trouvé la voie de la rédemption dans la fiction.

Avant de tourner sous la direction de James Gray, Tim Burton, Martin Scorsese et autre Peter Jackson, avant même d’intégrer les New Kids on the block, Mark Wahlberg, pour l’instant à l’affiche de The Fighter, menait ainsi une vie de petit délinquant. Elevé dans une famille catholique de 9 enfants entassée dans un appartement de 3 pièces au beau milieu d’un quartier où la violence et les poings font la loi, Wahlberg a de son propre aveu eu affaire une vingtaine de fois à la police de Boston. A 14 ans, cocaïnomane, il quitte l’école et passe ses journées à voler et dealer dans la rue. A 15, il s’attaque à un groupe d’Afro-américains. Leur jette des pierres en déblatérant des propos racistes. Et à 16, il attaque une épicerie sous l’influence d’hallucinogènes. Crève l’£il d’un Vietnamien et en laisse un autre inconscient. Il passera une cinquantaine de jours dans une maison de correction de Deer Island.

La grande évasion

Si l’histoire de Wahlberg se veut relativement peu commune, elle n’est pas non plus un cas isolé. Dans les années 30, Robert Mitchum était lui aussi un sale gamin. Un enfant de la rue.  » La seule différence entre mes camarades acteurs et moi, c’est que j’ai passé davantage de temps qu’eux en prison« , plaisantait-il. Fils d’un employé des chemins de fer décédé dans un accident de train alors qu’il n’a que 2 ans, Mitchum grandit avec sa mère et un beau-père major dans l’armée britannique. Pas spécialement branché par le respect de l’autorité, il est viré de l’école après s’être battu avec son principal et, pendant 2 longues années, vit de petits boulots, voyage à bord de trains en passager clandestin. A 14 balais, le hobo est arrêté pour vagabondage en Géorgie et placé en pénitencier. Condamné au Chain Gang -comprenez des travaux forcés-, il s’échappe et rentre à la maison. Sa carrière entamée, il vole au trou en 1948 pendant 2 mois pour possession de marijuana. Plus tard, il dira avoir apprécié ce petit séjour qui aurait soigné ses insomnies.  » Le meilleur sommeil que j’ai jamais eu.  » Entretenant, comme son alcoolisme et ses nombreuses bagarres en marge des tournages, son image de bad boy…

 » Si ma carrière d’acteur n’avait pas marché, j’aurais sans doute fini gangster.  » La citation pourrait venir de Mitchum. Elle est de Steve McQueen. McQueen est le fils d’une prostituée occasionnelle au chômage, avec un penchant pour la bouteille, et d’un ancien pilote, tête brûlée, accro au jeu, dont elle se sépare alors que l’enfant n’a que 6 mois. Steve grandit dans ces quartiers où les gangs se mettent sur la tronche à longueur de journées et subit régulièrement les violences de son beau-père. Il vit une enfance sauvage. Une adolescence de délinquant. Effractions et vols de voiture rythment le quotidien d’un gamin qui traîne dans les bars et teste toutes les boissons alcoolisées dans les parages. Il mène la vie d’un petit loubard et est toujours le premier à se jeter dans les combats de rue jusqu’à ce qu’un centre de rééducation juvénile le remette dans le droit chemin. Avant ses surprenants débuts au théâtre, McQueen renoue cependant avec la bouteille et les petits larcins. Il bosse brièvement comme tenancier de bordel. Puis, alors qu’il a rejoint l’US Marine et se rend à Saint Domingue, Blue eyes passe devant la cour martiale et écope de 41 jours de mitard parce qu’il a fait le mur pour aller retrouver une fille. On ne se refait jamais vraiment…

La gueule de l’emploi

En France, le plus célèbre des voyous du cinéma, c’est évidemment Gérard Depardieu. Dès son plus jeune âge, le gamin du Berry doit se prendre en main. Son père ne sait ni lire ni écrire. Il s’imagine gitan. Et quand un membre de sa famille en croise un autre en ville, il a plutôt tendance à changer de trottoir. Depardieu traîne dans la rue dès 8 ans et arrête l’école à 12 pour prendre la route.  » La société des années 50 le permettait, elle n’était pas si dure qu’aujourd’hui, dit-il ainsi dans une interview à Télérama. Il suffisait souvent de savoir partir au bon moment. Je pars toujours avant d’être coincé. Avant d’entrer quelque part, je repère les sorties de secours avec un instinct animal. Même le service militaire ne m’a pas rattrapé, j’en ai été dispensé car insociable et réputé violent en groupe. Je l’ai été en effet.  » Depardieu commet vols et trafics en tout genre -entre autres avec les GI de la base militaire implantée à Châteauroux, sa ville natale- jusqu’à l’âge de 16 ans où il se découvre une passion pour le théâtre à Paris.

Certains ont définitivement la gueule de l’emploi. Un regard de tueur. Une tête de truand. Le cocktail drogue-violence-méfaits en tous genres, Danny Trejo s’y est bourré la gueule plus souvent qu’à son tour. Né à Echo Park, quartier majoritairement mexicain de Los Angeles, cet acteur fétiche de Robert Rodriguez ( Une Nuit en enfer, Spy Kids, Machete) est initié à la marijuana par l’un de ses oncles alors qu’il n’a que 8 ans. Criminel, très tôt accro aux drogues dures, il passe 11 années de sa vie à faire des allers-retours en zonzon.  » J’ai eu beaucoup d’emmerdes. J’ai grandi comme les personnages que j’interprète. Mais je ne sais pas si je ferais les choses différemment. Je pense sincèrement que les circonstances créent le destin. Les seules possibilités qui s’offraient à moi, c’était laboureur ou dealer. Je suis devenu braqueur.  »

En prenant de l’âge, Trejo envisage de faire carrière dans la boxe, mais un long séjour derrière les barreaux l’en empêche. Pendant ses « vacances » à la prison d’Etat de San Quentin, il remporte plusieurs concours en poids léger et welter. Puis surtout suit un programme de désintoxication. C’est en 1985, à l’occasion d’une rencontre fortuite lors d’une réunion de cocaïnomanes anonymes, que Trejo met définitivement un pied dans l’industrie hollywoodienne. Un de ses nouveaux amis bosse dans le cinéma et le fait engager sur le tournage de Runaway Train. Là, Edward Bunker, le scénariste, le reconnaît tout de suite. Auteur de polars, il est lui-même ancien prisonnier et a connu le lascar à San Quentin. Il se souvient de ses qualités de boxeur et l’engage pour entraîner Eric Roberts, l’une des stars du film. Le réalisateur Andrei Konchalovsky apprécie tellement son travail qu’il lui confie un rôle dans son long métrage. Quand on lui dit que l’acteur qu’il est censé frapper pourrait répliquer, Trejo répond:  » à 350 dollars la journée, donnez-lui une batte. J’ai l’habitude qu’on me mette sur la gueule pour pas un rond« .

Black micmac

Impossible a priori de parler des bad boys au cinéma sans évoquer le cas du hip hop récupéré par l’industrie hollywoodienne. Ils ne sont pourtant pas des tonnes de rappeurs acteurs à être passés par la case « sale gosse ». S’il ne faut en raconter qu’un, c’est donc sans doute Fifty Cent. Son enfance, c’est un peu celle de Cosette au pays des camés. Originaire de South Jamaica, dans le Queens, Curtis James Jackson III grandit sans son paternel et est élevé par sa mère vendeuse de cocaïne. Il n’a que 8 ans quand elle est retrouvée inanimée dans son appartement, le gaz ouvert, les fenêtres fermées, et des pilules d’ecstasy entre les doigts de pied. A 12 ans, celui qu’on appelle aujourd’hui 50 Cent se met donc à dealer et se rend avec un flingue à l’école. La police l’arrête pour avoir vendu 4 ampoules de cocaïne à un flic en civil. Puis découvre chez lui de l’héroïne et 280 grammes de crack. Evitant de peu la prison, il sert pendant 7 mois dans un camp de redressement aux méthodes et à la discipline militaires, où il réussit même son examen de sortie du lycée.

Comédien dont le visage est bien plus évocateur que le nom, Charles S. Dutton ( Alien 3, Mimic, Oz, Les Sopranos) a lui aussi de fameux antécédents. Elevé dans un quartier où les kids vont moins à l’école qu’en prison, Dutton n’est pas le type qui entame une bagarre. Plutôt celui qui la termine. A 17 ans, il est victime de 8 coups de couteau dans une rixe et tue son assaillant. Libéré sur parole après 2 ans, il retourne en prison pour possession d’arme prohibée et ne trouve pas de meilleure idée que de s’attaquer à un gardien. Tout ce qu’il peut emmener avec lui pour ses 6 jours d’isolement, c’est un livre. Et par accident, l’armoire à glace embarque une anthologie de pièces afro-américaines. Elles l’amusent tellement que Charlie montera sa propre compagnie de théâtre à l’intérieur même du pénitencier. Comme quoi, la détention a parfois du bon. l

TEXTE JULIEN BROQUET

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