Faut-il universaliser l’Histoire?

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Sanjay Subrahmanyam n’est pas content. Cela fait à présent plusieurs décennies qu’une nouvelle génération d’historiens s’est levée, qui a tout mis en oeuvre pour en finir avec les visions ringardes de l’Histoire en vigueur dans les écoles et les best-sellers consacrés aux grands héros. Mais, malgré ces efforts, rien ne semble avoir changé: en Europe comme ailleurs, on continue à regarder l’Histoire comme une sorte de galerie des génies et des ratés regardant vers l’ailleurs à la manière d’un touriste visitant une contrée lointaine. À certains égards, les choses ont même empiré: le retour des nationalismes qu’on pouvait croire périmés a relancé une industrie de l’hagiographie nationale dont l’absence de fondement n’a d’égal que le ridicule. Pour le professeur à UCLA et au Collège de France, dont le Vasco de Gama a secoué le monde entier (et suscité la colère au Portugal) parce qu’il y avait démontré à quel point les prétendues grandes découvertes du navigateur avaient en réalité été un bide, il est temps de réagir. Dans Faut-il universaliser l’Histoire?, il s’en prend donc aux dernières lubies des historiens cherchant à instrumentaliser la discipline pour venir à l’appui du narcissisme politique des uns ou des autres -ainsi que de ceux pour qui il serait possible d’imaginer une Histoire clean, située au-dessus des contingences locales. Pour Subrahmanyam, ce ne sera ni l’un, ni l’autre: ni l’Histoire nationaliste, ni l’Histoire universelle. Ce qui l’intéresse, c’est l' » Histoire connectée« . C’est-à-dire l’Histoire qui prend en considération les points de contact afin d’articuler les points de vue de chaque acteur en présence au moment de la rencontre -une Histoire qui documente le point de vue des visités comme celui des visiteurs, des colonisés comme des colonisateurs. Il n’y a pas d’Histoire universelle possible; il n’y a qu’une Histoire multiple, feuilletée, en perspective. Le reste, s’il a lieu, est idéologie, manipulation, charlatanisme.

Faut-il universaliser l'Histoire?

De Sanjay Subrahmanyam, CNRS éditions, 144 pages.

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