Fair-Play

On connaît Tove Jansson (1914-2001) comme l’autrice des Moumines, sympathique famille de trolls-hippopotames occupant une vallée imaginaire. Mais Jansson (finlandaise suédophone) était aussi peintre, écrivaine et féministe. Traduit pour la première fois en français, Fair-Play date de 1989. On y embarque pour une petite île soumise à tous les vents au large d’Helsinki. Femmes et artistes, Jonna et Mari y mènent leur vie dans deux ateliers, séparés par un grenier commun. Vignette après vignette, le livre raconte leur quotidien sororal, monacal -et intranquille, comme la nature qu’elles contemplent depuis leurs fenêtres. Descendre à l’épicerie pour passer un coup de fil, se dire d’un orage qu’on en a jamais eu de si beau, noter sur une feuille de papier ce qu’est le sens de la vie pour pouvoir s’en servir la prochaine fois, « attendre la visite » de Fassbinder dans un fauteuil, ou un autre soir celle d’un vieux western, bourbon et cigarillos à portée de main, prendre la mer sans montre et sans boussole: le dépaysement du livre vient bien sûr de ses saynètes polaires. Mais aussi du caractère irrésistible et énigmatique de ses protagonistes -de leurs dialogues philosophiques au charme fou. Un petit grand livre à la poésie incongrue, qui célèbre avec délicatesse et beaucoup d’ironie le travail, l’amour, la liberté. Et, dans un quotidien à deux, les silences et les espaces vides autant que la nécessité absolue de créer. Fair-Play a l’apparente simplicité et la magie des livres qu’on lit et relit enfant sans en épuiser les mystères.  » Il n’y a pas de silence aussi absolu que celui imposé par l’attente dans le brouillard en pleine mer. » Merveilleusement atypique.

De Tove Jansson, éditions La Peuplade, traduit du suédois par Agneta Ségol, 160 pages.

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