Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Depuis son voyage chez les Pygmées en 1992, le saxophoniste-compositeur d’Aka Moon poursuit sa quête infinie de musique. Curateur du prochain festival urbain du KVS, l’aventurier fait flamber les connections inattendues.

Miles Davis envoyé dans un ashram indien en compagnie d’une bande de griots, boosté par une rythmique maniaque et quelques plaques tectoniques à la Coltrane? Fantasme pas si loin du son Cassol, glouton polyglotte qui revisite Bach pour les Ballets C. de la B., joue de la musique carnatique, accompagne Oumou Sangaré ou, tout récemment, termine la B.O. pour une création de la Comédie Française de La Folie d’Héraclès, £uvre vieille de 2500 ans. Une heure à peine avant notre rendez-vous chez lui à Saint-Gilles, il débarque de plusieurs semaines à Paris, les valises sous les yeux s’ajoutant à celles d’incessants voyages.  » La Belgique ne représente que 10 % de mon travail. Depuis 4 ans que j’habite dans cet appartement, j’ai dû y passer 2 mois par an, je voyage sans cesse, je dois en être à mon treizième séjour en Inde, et je ne peux pas me passer de l’Afrique que j’ai visitée une trentaine de fois. » En vieillissant -Fabrizio est né en 1964-, le brillant musicien se met à ressembler à un acteur pasolinien ou à l’un de ces militants des années de plomb italiennes. Belle gueule, chemise psychédélique, afro grisonnante, Fabrizio est né dans une famille ouvrière d’Ougrée: son père, arrivé d’Italie dans les années 50, joue de la feuille d’arbre, mais sa mère change d’ondes quand la radio diffuse de la musique.  » Ado, je pouvais aimer les Sex Pistols, Genesis, Ted Nugent ou Mozart, je n’ai jamais eu de problèmes avec cela. Les autres, parfois, oui.  » Cassol prend la musique comme un TGV frontal à 9 ans quand un copain l’emmène à l’académie locale:  » J’ai adoré et j’ai donc continué. Plus tard, j’ai rencontré Jacques Pelzer puis des gens comme Garrett List (1) et les profs m’ont poussé à entrer au Conservatoire, j’ai abandonné mon idée de devenir criminologue. »

Invitation au voyage

En 1992, avec ses « âmes s£urs » d’Aka Moon -le batteur Stéphane Galland et le bassiste Michel Hatzigeorgiou- et 2 autres comparses, Fabrizio passe plusieurs semaines chez les Pygmées de Centrafrique. C’est le second choc, viscéral, sensoriel, décisif:  » Ce voyage a tout remis en question: ma relation avec la musique, la vie, ce que l’on veut vraiment. Le désir d’être plus solide dans ce que l’on recherche. Tant qu’Aka Moon existe, c’est qu’on n’a pas arrêté ce voyage. » C’est le début d’une incroyable série de  » connexions » et Aka Moon devient le groupe surprise des musiques décloisonnées, avec un fort ancrage dans le jazz:  » La musique est une seule graine mais elle donne des fleurs et des feuilles différentes. Ce qui est essentiel, c’est le mystère qu’elle porte. » Pour le Fast Forward Music Festival du KVS, Fabrizio a concocté un programme forcément ouvert: Magic Malik et sa flûte cosmique, l’avant-jazz de Sabar Ring, la trompettiste française Airelle Besson. Et d’autres inattendus comme David Linx recréant, 25 ans plus tard, son intense projet consacré à James Baldwin, acide écrivain noir américain. Baldwin était un pirate de la littérature, Cassol est un flibustier de la musique.

(1) Pelzer (1924-1994), saxophoniste de jazz liégeois, est une légende belge qui a joué, e.a. avec Chet Baker. List (1943) est un compositeur-tromboniste-chanteur américain installé à Liège depuis le début des années 80.

Fast Forward Festival, au KVS du 11 au 19 juin, www.kvs.be

Philippe Cornet

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