Étoiles contraires

Sur son nouvel album, Nekfeu confirme sa plume virtuose, planquant (mal) derrière son spleen le choc de la rupture amoureuse -la vraie, la grande.

« Les étoiles vagabondes »

Il fallait bien ça. Dans un paysage rap français particulièrement remuant, la superstar Nekfeu ne pouvait louper son retour aux affaires. Trois ans après Cyborg (dont la sortie fut annoncée le jour-même en direct, sur la scène de Bercy), le rappeur a réussi à créer à nouveau l’événement en dévoilant son nouvel album au… cinéma, lors d’une séance unique. Un coup de maître: officiellement, quelque 100 000 spectateurs se sont précipités en salles pour visionner le moyen-métrage.  » J’ai détesté le succès, mais faut croire que ça ne m’a pas suffi« , explique Nekfeu, dès le départ. De fait, tout a été fait pour que Les étoiles vagabondes confirment le statut du rappeur, devenu entre-temps également acteur…

Présent l’an dernier sur la scène principale de Dour, avec ses camarades de l’Entourage, Nekfeu semblait péter la forme, manifestement comblé de pouvoir retrouver la scène en « famille ». Sur Les étoiles vagabondes, l’ambiance est cependant tout autre. C’est le spleen qui domine. Comme chez PNL, le vague à l’âme existentiel suinte de partout. Bien sûr, il a toujours été présent dans la musique de Nekfeu –  » Si j’étais bien dans ma tête, j’aurais pas fait le choix d’être artiste » ( Takotsubo). Mais désormais, il s’incruste. Le rap, comme thérapie? Le pré-trentenaire n’en est plus si sûr:  » Est-ce que le rap m’a sauvé? »

Étoiles contraires

Alors que certains de ses camarades de jeu font mine de s’en éloigner (Lomepal, Roméo Elvis), il continue pourtant tout le long de faire acte d’allégeance aux règles du genre. Y compris les plus old school: dans un disque parfois monochrome, ses jeux de mots, acrobaties multi-syllabiques et autres assonances multipliées à l’infini, parfois jusqu’à l’excès, constituent le vrai feu d’artifice de ce troisième album. Certes, Nekfeu ne manque jamais une occasion de casser certains codes machistes – » Force à mes LGBT » dans Menteur ou  » Je suis conscient que la vie de nos soeurs est pleine de désillusions/C’est comme être compétente au taf et subir que des allusions » dans Le Bruit qui court. Mais il ne peut s’empêcher également de jouer le jeu de l’ego trip, exercice imposé dans lequel il ne semble lui-même plus trop croire ( Koala mouillé), le tournant même volontiers à l’auto-dérision ( Cheum, seule parenthèse un peu plus légère du disque).  » Je ne me savais pas aussi faible« , finit-il par concéder sur Le Bruit qui court

À bien des égards , Les étoiles vagabondes ressemble au énième disque d’un rappeur « piégé par le succès », tétanisé par une notoriété qu’il passerait son temps à fuir -à Bruxelles (le duo avec Damso), Tokyo, ou la Nouvelle-Orléans (la trompette de Trombone Shorty) . Derrière la crise existentielle, on comprend cependant rapidement qu’il y a aussi, voire surtout, une débâcle amoureuse. Présente un peu partout, elle est au coeur de morceaux comme Elle pleut ou le fameux duo avec Vanessa Paradis, Dans l’univers.  » J’ai effacé les sons qui parlaient de toi« , ment le rappeur en début d’un disque qui, en réalité, aurait gagné à ne parler que de ça…

Nekfeu

Distribué par Universal

7

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