LA 30E ÉDITION DU BIFFF OUVRIRA SES PORTES LE 5 AVRIL PROCHAIN À TOUR & TAXIS. POUR L’OCCASION, FOCUS REVIENT SUR LES LIEUX DU CRIME: PASSAGE EN REVUE NON EXHAUSTIF ET HAUTEMENT SUBJECTIF DES CADRES PRIVILÉGIÉS DU FANTASTIQUE ET DE L’HORREUR.

LA CABANE DANS LES BOIS

Les Inconnus l’avaient parodié en leur temps avec Les Dents de la mouche 4, Les Nuls aussi dans le Red is Dead de La Cité de la Peur: l’isolement de la bonne vieille cabane dans les bois au plancher grinçant, couplé à un environnement naturel souvent sauvage, hostile et propice aux surgissements de freaks en tous genres (sorcières, dégénérés consanguins, monstres et compagnie), amène son lot de clichés horrifiques. Façon jeune fille, plantureuse si possible, qui sort seule (forcément) chercher du bois et ne revient jamais, et jeune type, à la mâchoire carrée, qui part seul (what else?) à sa recherche et qu’on ne revoit plus. Un week-end en forêt, sérieusement les copains, ça tente encore quelqu’un?

Une scène culte? Dans Evil Dead 2 (Sam Raimi, 1987), sommet d’horreur second degré, Ash, au bord de la folie, se cloître dans sa cabane afin de se protéger des vilains esprits de la forêt, mais, bientôt, la pièce et les meubles prennent vie le temps d’une scène complètement délirante.

Au BIFFF cette année?The Cabin in the Woods, en clôture le 17/04 à 20 h. Est-il besoin d’en dire plus?

LE RÊVE

Le cinéma expressionniste allemand des années 20 (voir, parmi d’autres, Le Cabinet du docteur Caligari de Wiene ou le Nosferatu de Murnau) travaille déjà à flouter la frontière entre rêve et réalité à grands coups de visions puissantes et passablement cauchemardesques. La mort et la désolation peuvent en effet frapper partout, jusque dans ce havre supposé de calme et de tranquillité qu’est la chambre à coucher, cadre idoine d’une ribambelle de films qui, de The Exorcist à Paranormal Activity, cherchent à affoler le trouillomètre du spectateur. Et l’étreinte des bras de Morphée de se resserrer dangereusement autour de ceux qui cherchent à s’y abandonner. Jusque, et tout particulièrement, dans le rêve, siège d’une activité psychique susceptible à tout moment de dérailler. Une véritable manne aux angoisses pour le cinéma de genre, qui n’a pas manqué d’y semer les graines de ses plus vénéneux sommets ( A Nightmare on Elm Street, Dark City, Mulholland Drive, Inception…). Quand il ne s’épanouit pas dans ces mondes parallèles nés d’un état de semi-conscience exploités par eXistenZ, Matrix voire le récent Source Code, histoire d’asseoir le danger comme vue de l’esprit, dont les effets, bien réels, affectent pourtant les protagonistes dans leur chair. Un esprit malsain dans un corps malsain?

Une scène culte? Le rêve de Gregory Peck dans Spellbound (Alfred Hitchcock, 1945), conçu par Salvador Dali, quinze ans après son Chien andalou.

Au BIFFF cette année?The Sandman, le 09/04 à 16h: le marchand de sable est (un peu trop bien) passé.

L’ESPACE

 » Dans l’espace, personne ne vous entend crier. » La fameuse formule-slogan du premier Alien en dit long sur les possibilités flippantes, horrifiques ou simplement défoulatoires offertes par l’infiniment grand de l’espace, qui pousse à prendre toute la mesure de l’infiniment petit de notre existence, et donc de sa fragilité et de sa finitude intrinsèques. Avec ses étendues noires à perte de vue, l’espace est cet ailleurs hors du temps, hors de tout, dont on pourrait bien ne jamais revenir. Sans même parler des rencontres du troisième type… Initié par Méliès et son Voyage dans la lune (l’attaque des Sélénites) dès le début du XXe et particulièrement exploité dans les années 60-70, le filon spatial continue à alimenter aujourd’hui nombre de films de genre -voir encore les récents Moon et Apollo 18.

Une scène culte? Le final, métaphysique, de 2001: A Space Odyssey (Stanley Kubrick, 1968).

Au BIFFF cette année? Les nazis expatriés sur la Lune de Iron Sky, le 14/04 à 20 h, mais aussi les aliens de Extraterrestrial, le 13/04 à 20 h, un vaudeville de SF signé par Nacho Vigalondo, réalisateur du formidable Timecrimes.

L’ASILE

En 2004, William Butler réalise Madhouse, dont le titre indique implicitement que l’asile n’est bien souvent qu’un cadre prétexte à explorer un territoire beaucoup plus vaste et potentiellement terrifiant: la folie. Le personnage du tueur psychopathe faisant figure d’icône incontournable du cinéma d’horreur et du thriller. Si quelques films, comme Shutter Island, Asylum avec Peter Cushing ou l’imbitable Gothika, se déroulent essentiellement dans un asile, beaucoup y font en tout cas étape, à l’instar de la saga des Halloween.

Dans Aftershock, prochaine production du réalisateur des Hostel Eli Roth, les patients d’un hôpital psychiatrique chilien s’évadent suite à un tremblement de terre et sèment bientôt la terreur. Selena Gomez est au casting. Et ça, ça fait vraiment peur.

Une scène culte? La rencontre entre Clarice Starling et Hannibal Lecter dans le quartier de haute sécurité de l’hôpital psychiatrique de Baltimore dans The Silence of the Lambs (Jonathan Demme, 1991).

Au BIFFF cette année?The Incident, le 13/04 à 18 h. Un asile, des psychopathes, une tempête, une panne d’électricité: des tas de possibilités.

L’ASCENSEUR

Rien qu’en 2011, le Ryan Gosling transpirant de Drive, le Devil imaginé par M. Night Shyamalan, voire même le final, explosif, de Rundskop ont prouvé, si besoin en était encore, le potentiel détonant de l’ascenseur, moyen de transport et lieu de passage qui a été jusqu’à donner son nom à un fameux film d’horreur hollandais ( De Lift, 1983). Un espace confiné idéal pour les huis clos à la tension galopante qui se prête aussi tout particulièrement aux inventions formelles. Le temps, comme en suspens, qui sépare la fermeture de la réouverture des portes pouvant donner lieu à de fulgurantes ellipses et des jeux d’apparition-disparition réservant leur lot de surprises. De The Shining à Dark Water, de The Towering Inferno à Infernal Affairs, on ne compte plus les moments d’anthologie cinéphile réservés par l’ascenseur…

Une scène culte? Le suicide, filmé avec une grandiloquence quasi opératique, à la fin de Old Boy (Park Chan-wook, 2004).

Au BIFFF cette année?Elevator, le 14/04 à 22 h. Soit neuf invités à une fête coincés dans l’ascenseur d’un immeuble avec une bombe, et tous prêts à péter un câble (au propre comme au figuré?)…

LA DOUCHE

Erotisme, voyeurisme, terreur et mutilation se télescopent dans des reflets de miroirs ou des surgissements soudains à travers l’eau, la buée, propres à la salle de bain, pièce fétiche du cinéma de genre. La douche cristallisant au mieux les pulsions de sexe et de mort à l’£uvre notamment dans des meurtres de femmes nues perpétrés à l’arme blanche, le plus souvent à connotation phallique. Plus prosaïquement, les scènes de douche combinent donc idéalement deux moteurs majeurs du cinéma à tendance gore ou horrifique: tripaille et nichonnade. Le tout arrosé d’un large éventail d’éléments symboliques plus ou moins siphonnés.

Une scène culte? En bon élève hitchcockien, Brian De Palma ne rate jamais une occasion de citer le Psycho du maître dans des scènes de douche de son cru, parodiques ou non ( Phantom of the Paradise, Blow Out, Body Double…). Celle de Dressed to Kill (1980), où le plaisir solitaire se mue brusquement en violence sexuelle, synthétise sans doute le mieux cette double dimension de jouissance et de douleur déjà présente chez Hitchcock.

Au BIFFF cette année? Sachant que les habitués du BIFFF ne manquent jamais de ponctuer toute forme de nudité à l’écran par la traditionnelle sentence  » Ça, c’est un bon film!« , on ose à peine imaginer que la programmation fasse l’impasse sur l’une ou l’autre scène du genre. Quoi qu’il en soit, les douches de sang, voire d’autres fluides moins avouables, sont au programme du festival chaque jour.

TEXTE NICOLAS CLÉMENT

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