DANS LES CHEVALIERS BLANCS, VINCENT LINDON SE DONNE EN LEADER CHARISMATIQUE AUX MÉTHODES BORDERLINES DONT L’ÉLAN SOLIDAIRE EST PEUT-ÊTRE AVANT TOUT UNE AFFAIRE DE NOMBRIL.

« A l’origine, Joachim pensait à deux acteurs pour ce rôle, un autre et moi. Il y avait deux façons d’aborder Jacques Arnault, à savoir une approche plus sombre et une approche plus empathique. Il a finalement choisi de donner à ce personnage un côté plus fédérateur, plus accessible, en partant du principe que plus le personnage est attachant plus on peut dans un premier temps épouser sa cause, et pousser ensuite les gens au questionnement. »

Et Vincent Lindon d’hériter dès lors fort logiquement de cet Arnault largement inspiré d’Eric Breteau, pompier volontaire d’Argenteuil reconverti en président d’association humanitaire par qui tout le scandale de L’Arche de Zoé arrive à l’automne 2007. Une véritable énigme chez qui la soif d’adrénaline a sans doute trop souvent pris le pas sur la raison, et qu’il serait tentant de clouer au pilori sans autre forme de procès. Ce que se garde bien de faire Lindon, privilégiant un jeu nourri d’ambivalence… « Un film, c’est un état des lieux. On y appelle au réveil de la conscience des gens. On n’est pas là pour les assommer de vérités et d’évidences. » Et le Français, qui récuse l’étiquette d’acteur « engagé », d’élargir aussitôt la perspective: « Je n’ai pas d’idées arrêtées sur les domaines que doit investir le cinéma. Moi je fais les films que je trouve les meilleurs dans leur genre respectif. Sans oeillères. Que l’on parle de comédies, de polars, de films de société… S’il y a un grand 100 mètres à courir, je le courrai. Mais s’il y a un 1000 mètres le lendemain qui est formidable, je le courrai aussi. Et s’il y a un marathon dans une autre ville qui me paraît être une épreuve très intéressante, eh bien pareil. J’aime être bousculé dans mes certitudes. Par contre, ce que j’attends invariablement d’un film, c’est que derrière la petite histoire il y ait la grande histoire. Dans Welcome, il y a la grande histoire des migrants derrière la petite histoire du maître-nageur. Dans Les Chevaliers blancs, il y a toute la question du droit d’ingérence derrière l’ivresse narcissique de cet homme que j’incarne… »

Basique instinct

Concerné plutôt qu’engagé, donc. Et singulièrement investi, aussi. « Après que j’ai lu le scénario, nous l’avons pas mal retravaillé ensemble. On a remanié des choses, coupé des scènes, ajouté des éléments. Une sorte de travail d’entrepreneurs, où on aurait modifié les volumes, changé les pièces de place… Suivant nos impulsions. »

A sa façon, Joachim Lafosse confirme: « Il s’agissait avant tout de faire vivre le groupe, c’est-à-dire d’arriver à une coexistence entre ce leader charismatique -il faut forcément l’être pour emmener une telle opération- et ce qui tourne autour et va venir le contraindre. D’une certaine manière, le tournage du film lui-même a été une métaphore de ça. Parce que Vincent prend beaucoup de place… Enfin parce que Vincent est très exigeant plutôt: il continue à écrire et à vouloir chercher jusqu’au bout. C’est pour ça que je me suis entouré pour les rôles secondaires d’acteurs belges, qui sont des complices, et à qui j’ai énoncé les choses clairement: « Voilà, ce ne sont pas les rôles du siècle, mais je vais avoir besoin de vous pour réussir cette mission. » Parce qu’au final, je dois être plus conséquent que les gens que je filme. Il faut que le film arrive au bout, et il ne faut pas qu’il raconte l’inverse de ce qu’il énonce. »

Où l’on comprend entre les lignes que Lindon n’est pas un animal facile à manoeuvrer sur un plateau. Ni d’ailleurs en interview, où la métacommunication n’est jamais loin de virer à la prise de tête… « Parler de comment je travaille ne m’intéresse pas. Ça m’ennuie et j’en ai peur, parce que je n’ai pas envie de m’entendre consciemment expliquer quelque chose que je fais inconsciemment. Je crains que ça dérègle quelque chose. C’est comme une superstition. Je travaille beaucoup à l’instinct, sur le moment présent. Je serais d’ailleurs bien incapable de vous dire exactement comment je m’y prends. Il n’y a pas de technique, ça part dans tous les sens, c’est tout le temps et jamais, ça tient à des détails, à des façons de bouger… Je ne veux pas penser à tout ça. »

N.C.

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