Ensemble, c’est tout

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L’adaptation d’un phénomène de l’édition en série télévisée n’est pas à proprement parler une voie royale et les occasions de se louper ( La Vérité sur l’affaire Harry Quebert) sont aussi nombreuses et probables que les vraies raisons de se réjouir ( Sharp Objects). La saga d’Elena Ferrante trouve ici une mise en images et en sons particulièrement soignée. Ce roman en quatre parties déployait les variations d’une puissante amitié féminine sur 60 ans, éclose au début des années 50 dans un quartier de Naples, entre Elena et Raffaella (« Lenù » et « Lila »). Leur enfance a eu pour théâtre le désespoir économique, la dérive mafieuse et sa lutte violente contre le communisme, le quotidien des injustices et des rivalités, le poids de la religion qui irrigue le sexisme et la structure patriarcale de la communauté. Tout est rendu, intact, vibrant, dans les premiers instants d’un premier épisodes qui, sur 100 minutes, raconte, dans une langue napolitaine préservée, cette houle irrésistible sur laquelle l’amitié entre les deux petites naviguera comme un frêle esquif. Elena est appliquée à l’école, une petite fille comme il faut, citée en exemple, tandis que Lila, impatiente, turbulente et indocile, montre une soif de vie et d’apprendre. Entre ces deux pôles, une sororité va naître de la nécessité de se préserver, veiller l’une sur l’autre, dans un monde où les femmes sont vouées à tenir la maison, à s’entre-déchirer, à abandonner toute velléité d’indépendance et de connaissance. Elles s’inventeront leur propre vie, d’abord en cachette, lisant des romans interdits, fomentant un destin hors des contraintes des hommes menaçants. Racontée en mode flash-back par une Elena qui, à 60 ans, s’adresse à sa mystérieuse amie, la première saison colle au premier volet de la saga, tutoie une tradition du cinéma italien réaliste, de son engagement social en y agrégeant des éléments féeriques. Le travail sur la matière sonore (musiques, bruits, ambiances), magnifique et intense, accompagne les pics et les abîmes émotionnels sans ostentation, avec une troublante justesse. Nantie d’une distribution toute en sobriété et en dosage savant des sentiments, cette première saison promet une saga féminine pleine de déchirements et d’espoir. Elle est le récit d’une enfance sans innocence, d’une adolescence bousculée entre amour et jalousies, rivalités et réconciliations, constamment mise au défi de sa propre survivance.

L’Amie prodigieuse

Série créée par Elena Ferrante, Francesco Piccolo, Laura Paolucci et Saverio Costanzo. Avec Margherita Mazzucco, Gaia Girace, Elisa Del Genio, Ludovica Nasti.

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