„Chanter en français, ça fait rêver », explique Daan. De moins en moins? Il fallait bien que ça lui tombe dessus à un moment ou l’autre: avec Le Franc Belge, Daan le francophile complète la (longue) liste d’artistes flamands qui se sont mis à la langue de Voltaire. Il rejoint ainsi Axelle Red (avec qui il a joué) ou encore Arno, qui alterne français et anglais de disques en disques. D’autres précédents? Stef Kamil Carlens a régulièrement fait chanter son groupe Zita Swoon in het Frans, et ça dès 2004, avec l’album A Song About A Girls. Une question d’atomes crochus (comme Daan, SKC conjugue l’amour en français), ou simplement de rencontres -le coup de coeur de Miossec pour Zita Swoon, lui écrivant par la suite plusieurs textes. Récemment, c’est dEUS qui s’est essayé à l’exercice pour le titre Quatre mains. Le morceau fait penser au Elle et Moi de Max Berlin, tout en confirmant la passion de Tom Barman pour Gainsbourg: il avait déjà repris Le Poinçonneur des lilas (le Live de 2003, avec Guy Van Nueten). Quant à An Pierlé, c’est sa reprise de Il est 5 heures, Paris s’éveille de Dutronc qui lui a permis de toucher très tôt le public hexagonal.

Les exemples ne manquent donc pas. Ils ont cependant tendance à se raréfier. « C’est vrai« , admet Jan Delvaux, journaliste-expert de la Belpop (après l’essentiel Big in Belgium, en 97, il a sorti Belpop. De eerste vijftig jaar en 2011). « J’ai beau chercher, je ne vois plus trop de groupes s’essayer au français. Surtout depuis que des artistes comme Absynthe Minded ou Selah Sue ont montré qu’il ne fallait même plus passer par le français pour trouver un écho dans l’Hexagone. » Cela n’a pas toujours été le cas. Longtemps, la France a constitué un réservoir, une échappée pour des artistes coincés entre la Flandre et les Pays-Bas. « Dans les années 70, il y a aussi eu la vague folk du kleinkunst. C’étaient des sortes de troubadours qui regardaient aussi bien vers l’Amérique -James Taylor, tout ça-, que vers la France, avec Brassens ou Brel. » Brel, au passage, l’un des seuls francophones à s’être essayé au néerlandais…

Putain, putain…

Aujourd’hui, on en n’est plus là. Entre la vitalité artistique débordante locale (et le chauvinisme qui l’accompagne) et l’anglais comme lingua franca pop, le français ne semble plus avoir de grand intérêt. « C’est même plus général que ça. On ne trouve plus vraiment de hits « européens » dans les charts. Jusque dans les années 90, cela arrivait encore régulièrement qu’un titre italien, par exemple, cartonne un peu partout: Eros Ramazotti, Zucchero… » C’est le paradoxe actuel: un peu comme si l’Union s’était diluée au fil de son agrandissement…

Il y a quelques jours, Julien Clerc était malgré tout encore en concert à… Gand. Un véritable anachronisme, comme la réminiscence d’une époque révolue. Une période dont les liens avec le présent prennent du coup un tour parfois encore plus cocasse. « Au milieu des années 60, le grand éditeur-producteur Jean Kluger s’était marié avec la manageuse de Polnareff, et s’était installé à Paris. C’est là qu’il a fait la connaissance d’un certain Daniel Vangarde, qu’il a fait travailler sur des musiques destinées à des tas de chanteurs flamands, comme Will Tura par exemple. Or Daniel Vangarde, de son vrai nom Bangalter, n’est autre que le père de Thomas Bangalter, la moitié de Daft Punk! C’est difficile à croire aujourd’hui, mais la première fois que Thomas Bangalter a assisté à un concert, c’était celui de Will Tura sur la scène de Forest National! »

L.H.

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