El guitariste

Le deuxième album du guitariste californien exploite au maximum la technique du fingerpicking dans neuf instrumentaux d’une densité flamenca. Étonnant.

Originaire de Sacramento, Mason s’est installé à New York entre la parution de ses deux albums (le premier est sorti en 2009). L’homme, plus ou moins jeune, plus ou moins barbu, laisse peu de traces biographiques: pas d’âge précis sur Internet, mais on le suppose trentenaire voire jeune quadra. Le Californien est entré comme une ombre inspirante dans le vaste et fantasmé champ US. Celui qui va du folk trospectif à l’americana éclaté. Lorsque paraît l’album Serrated Man Sound, il y a une douzaine d’années, on saisit d’emblée ces chansons fantomatiques qui feraient passer Bon Iver ou Will Oldham pour de la variété. On exagère puisque dans ce premier essai discographique qui peut rappeler Devendra Banhart se ramassent différents éléments: une ballade fortement neurasthénique ( Here Blows) ou une évocation de bande-son traversée de quasi-dissonances ( Nine) , qui annonce une obsession de guitare acoustique hispanisante. Un culot vu que la bible du genre semble indépassable: qui pourrait faire aussi bien que Paco de Lucia et son alter chanteur, (El) Camarón de la Isla? Peut-être pour éviter les comparaisons avec les vocalistes, tel le dernier cité, légende foudroyée par ses abus (1950-1992), Mason propose ici un album exclusivement instrumental.

El guitariste

Pluie de doigts

Les références vintage, le lien hispanisant, tout cela n’a au final qu’une importance relative, même si le son ancestral de l’Espagne est largement glorifié dans le premier titre, Sky Breaking, Clouds Falling. Ce qui surprend d’emblée, c’est l’aboutissement technique, la finesse des mélopées centrées autour de la guitare acoustique. Et du style tout en fingerpicking où chaque doigt, armé ou pas d’un onglet, vient pincer précisément l’une ou l’autre corde en nylon. Mais assez loin du style classique gambadant popularisé par l’Américain Chet Atkins ou le Français Marcel Dadi. Cela donne une sonorité tranchante et cristalline, qui privilégie les aigus sans pour autant négliger totalement les graves. Si la guitare est bien le leader des neuf morceaux, si elle impose à l’album sa source majeure, elle est rarement solitaire. Aux côtés de moments plus dénudés ( Distress, In Lieu), Mason construit d’amples paysages, dans des tonalités visuelles très cinématographiques. Par exemple dans Rising: sur un rythme lent, chargé de mélancolie, la guitare semble surgir d’un océan brumeux traversé de douces sensations électroniques. Sans que jamais, la notion de virtuosité ne néglige sa part de mystère émotionnel. Celui capable de raconter des histoires, sans les mots.

Mason Lindahl

« Kissing Rosy in the Rain »

Distribué par Rough Trade.

8

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