Éclipse solaire

Une biographie revient enfin sur LA muse farouche de l’underground new-yorkais et pionnière de la sono mondiale, Lizzy Mercier Descloux.

Que reste-t-il de Lizzy Mercier Descloux? Si la postérité se mesure au nombre d’archives postées sur YouTube, alors celle de la chanteuse, décédée en 2004, âgée d’à peine 47 ans, est encore beaucoup trop sommaire: quelques playbacks à la télévision, aucun vrai clip, ni interviews. Trop peu pour une personnalité dont le parcours atypique aura pourtant marqué ceux qui l’ont croisée ou écoutée. À cet égard, la biographie du journaliste Simon Clair, parue au printemps dernier, est particulièrement bienvenue. Brève, mais jamais « sèche », elle éclaire la trajectoire de la musicienne, au-delà de l’étiquette, souvent frustrante, de figure « culte ».

Si le nom de Lizzy Mercier Descloux a souvent été ramené ces dernières années à la scène post-punk/no wave new-yorkaise des années 80, c’est bien à Paris que la chanteuse naît, en 1956. Élevée par sa grande-tante et son grand-oncle, elle grandit dans le quartier des Halles, où, ado, elle rejoint l’agitation rock du moment: à 17 ans, Lizzy change de look, se coupe les cheveux et rencontre Michel Esteban, qui a ouvert un magasin de disques pas loin. C’est en couple qu’ils s’envolent deux ans plus tard pour les États-Unis…

À New York, la Française découvre une ville certes laminée par la crise, mais aussi terriblement dynamique. Elle intègre la scène punk locale, se lie d’amitié avec Patti Smith, croise Basquiat, fait tourner la tête de Richard Hell du groupe Television. En 1979, son premier album sort sur le label Zé records, monté par Esteban. Mélangeant dance et punk, Press Color reste encore aujourd’hui l’un des disques clés de ce que l’on appellera la no wave, avec Mambo Nassau, enregistré deux ans plus tard, aux Bahamas, dans les fameux studios Compass Point.

Avant que le terme de world music ne se répande, Lizzy se passionne aussi pour les musiques du monde, africaines en particulier: signée sur la major CBS, elle partira enregistrer Zulu Rock en Afrique du Sud. On y trouve notamment une adaptation d’un titre du groupe Obed Ngobeni & The Kurhula Sisters, intitulée Mais où sont passées les gazelles? Le morceau sera le principal « tube » d’une carrière contrariée: dans une industrie passablement machiste, le caractère farouchement indépendant, voire carrément « sauvage », de la chanteuse ne passe pas toujours bien.

Éclipse solaire

Dégoûtée du music business, elle disparaîtra d’ailleurs petit à petit des radars. Elle voyage, écrit des poèmes, peint. Ses amis ne l’ont pas oubliée, mais elle préfère souvent la solitude. Quand les médecins lui annoncent son cancer, elle se résigne et refuse les traitements traditionnels. Elle meurt un an plus tard, en Corse, ses cendres dispersées dans la Méditerranée. La fin « romanesque » d’une destinée qui ne l’était pas moins.

Lizzy Mercier Descloux, une éclipse

Biographie De Simon Clair, éditions Playlist Society, 160 pages.

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