Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

LE GÉNIAL GROGNEUR IRLANDAIS INVITE BOBBY WOMACK, MAVIS STAPLES ET D’AUTRES À UNE RELECTURE DE SES CHANSONS: VOCALEMENT SÉDUISANT MAIS UN RIEN SURPRODUIT.

Van Morrison

« Duets: Re-Working of The Catalogue »

DISTRIBUÉ PAR SONY.

7

Van Morrison a ses humeurs. Rare en interview, misanthrope, bougon, pas marrant. Au chapitre musical, c’est l’inverse: prolifique, inspiré, inégal mais émouvant, surtout par cette voix impériale qui sert l’âme des musiques authentiques, blues, soul, folk, gospel, jazz, country ou celtique. Dans un mishmash sentimental concocté entre Memphis et Belfast. Où il est né George Ivan Morrison le 31 août 1945. Preuve que le chanteur est aussi un emmerdeur: sa sélection de seize chansons retenues pour cet album, son 35e, évite ses disques historiques, ses Astral Weeks, Saint Dominic’s Preview ou Into The Music. C’est tout à son honneur de ne pas capitaliser sur un répertoire connu -quoiqu’ignoré des jeunes générations-, c’est frustrant d’en ignorer les sommets Cyprus Avenue, Into The Mystic, Domino voire les dix minutes élégiaques d’Almost Independence Day. Pas un seul instant pourrait-on penser que Van n’a pas le contrôle absolu de son affaire: c’est SON disque, qu’il produit -partiellement en binôme avec Don Was- et c’est bien sa voix qui entame chaque plage, l’invité prenant ensuite le relais. Même si tout n’est pas du même calibre orchestral, on reconnaît le goût du maestro pour les ambiances enveloppées de cordes et de cuivres. C’est parfois juste la bonne cuisson, comme dans le bluesy How Can A Poor Boy avec Taj Mahal. Mais cet embonpoint répété pèse sur le flux du disque, en charge inutilement la teneur émotionnelle: peut-être aurait-il fallu un Rick Rubin pour dégraisser tout cela, mais soit.

Bonne soul dégoulinante

Si on réécoute l’album plusieurs fois, c’est donc pour des raisons autres que les arrangements. Il est long -76 minutes 24 secondes…- mais on ne s’y ennuie pas, sauf peut-être le temps de The Eternal Kansas City, trop jazz conventionnel malgré la présence vocale de Gregory Porter. A l’approche de la septantaine, Van Morrison chante toujours aussi bien et c’est son magnétisme vocal, ce son organique légèrement nasal, qui guide ses partenaires. Là aussi castés de manière peu orthodoxe, entre vieux potes sixties (Stevie Winwood, Chris Farlowe, Georgie Fame), le revenant PJ Proby et quelques ténors américains (Bobby Womack, Mavis Staples, George Benson). C’est unanimement plaisant, mais le truc décolle parfois dans des combinaisons moins attendues. Wild Honey, avec les violons et Joss Stone, est de la bonne soul dégoulinante, Van se faisant plus minéral avec Clare Teal, autre jeune Anglaise, sur Carrying A Torch. D’ailleurs, la compagnie des femmes lui réussit bien, y compris celle de Natalie Cole pour These Are The Days. C’est dire que Van aime au moins la moitié de l’Humanité.

PHILIPPE CORNET

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content