PASCAL BONITZER POSSÈDE L’ART DE LA COMÉDIE DÉCALÉE, COMME LE PROUVE ENCORE CHERCHEZ HORTENSE, OÙ IL FAIT RIRE TOUT EN ABORDANT DES SUJETS CRUCIAUX.

Le réalisateur d’ Encore et de Rien sur Robert retrouve la forme en renouant avec le meilleur de son inspiration, celle qu’il va chercher du côté de la comédie autocritique et de personnages d’autant plus touchants qu’ils dévoilent leurs faiblesses. Son très savoureux Cherchez Hortense (lire la critique page 35) est l’un des films les plus attachants de la rentrée!

Vous voici revenu sur votre terrain de prédilection, après quelques expériences qui vous en éloignaient…

J’avais voulu un peu quitter la comédie en faisant Petites coupures. J’avais laborieusement accouché de l’intrigue et le film n’est qu’à moitié réussi. J’ai ensuite été plus loin dans la noirceur avec Je pense à vous, que les gens ont détesté mais pour lequel je garde un faible. Et pour me requinquer, j’ai accepté une commande, Le Grand alibi, une adaptation française d’Agatha Christie, qui n’a pas mal marché mais qui m’a laissé sur ma faim. En faisant CherchezHortense, j’ai en effet eu l’impression de retrouver mes marques du temps de Rien sur Robert. D’où, d’ailleurs, le titre contenant lui aussi un prénom…

Quel a été le point de départ du scénario?

J’ai toujours envie de mêler des choses relevant de l’intime (vie sexuelle, familiale et privée) avec des thèmes d’époque. Cette fois, j’ai voulu parler de la crise d’un couple, de la fin d’un amour et de la recherche d’un autre, tout en évoquant une question endémique et inextricable se posant à notre société: celle des sans-papiers.

Votre film développe une claire stratégie qui est de jouer l’inattendu, de constamment offrir au spectateur autre chose que ce à quoi il s’attendait au départ de telle ou telle scène…

C’est en effet totalement délibéré de ma part que de jouer avec les attentes du spectateur! C’est un principe dramatique de comédie que je m’emploie à cultiver. Et qui implique, même si je le bouscule de manière ludique, un grand respect pour le spectateur. Je ne cesserai jamais de parier sur son intelligence. Même si le film n’a rien d’intellectuel!

Les protagonistes de vos films montrent leurs failles, leurs défauts. La barque de Damien, dans Cherchez Hortense, est à cet égard particulièrement chargée… Et qui d’autre que Jean-Pierre Bacri pourrait aujourd’hui jouer si bien de cela?

Que le personnage ait des failles est le ressort de la comédie. Il est vrai que celui-ci en a énormément… Pour être franc, je n’ai pas pensé immédiatement à Jean-Pierre. De manière générale, je ne pense pas à quelqu’un en particulier au stade de l’écriture. Enfin si, à la base je pense à moi et à mes propres défauts… A posteriori, bien sûr, je ne vois pas comment j’aurais pu trouver mieux que Jean-Pierre, qui s’est emparé du rôle avec enthousiasme et qui a une telle palette dans son jeu, du comique à l’émotion. En plus, j’avais très envie de le faire retravailler avec Isabelle Carré, dont j’admire depuis longtemps déjà le mélange de fragilité et d’indestructibilité, son côté à la fois lisse et très mystérieux, étrange.

Votre film traverse différents univers (celui des sans-papiers, le théâtre, la politique, le pouvoir…), en jouant volontiers du hors-champ. Encore une stratégie?

Il s’agit de toute façon d’un petit film français pas cher, même si j’ai des comédiens « top ». Il y a donc fatalement beaucoup de hors-champ. Comme la France, il est relié au monde, la mondialisation s’y exprime par le domaine asiatique (par le héros professeur de culture asiatique, le restaurant japonais), par la présence russe (la pièce d’après une nouvelle de Tchekhov), et celle de l’Europe centrale (la femme menacée d’expulsion est serbe, croate, monténégrine, on ne sait plus trop…). La France est un petit pays, rapporté à la taille du monde.

Après six longs métrages, quel est le poids de l’expérience acquise?

Moins important qu’on pourrait se le dire en pensant qu’on a appris, qu’on ne refera plus les mêmes erreurs. Chaque nouveau film vous pose de nouveaux défis, de nouvelles questions. Et vous ne pouvez jamais dire que le résultat ne sera pas catastrophique… Je vis la même chose à chaque film. Une fois que je commence le montage, je me dis avec horreur que le film est raté, et ne sera pas montrable. La violence de ce sentiment me frappe à chaque fois. Et puis, en montant, je commence peu à peu à apercevoir le bout du tunnel…

Votre fille, Agathe, interprète… une comédienne dans Cherchez Hortense

Le virus l’a mordue très jeune. A 12 ans et demi, elle jouait dans un film de Noémie Lvovsky qui s’appelle Les Sentiments, et qu’interprètent déjà… Jean-Pierre Bacri et Isabelle Carré. Elle avait été choisie parmi 80 filles, et c’est là qu’elle a senti la vocation. Elle est très bonne, très travailleuse. Après mon film, elle a tourné le nouveau film d’Agnès Jaoui, avec Bacri encore! l

RENCONTRE LOUIS DANVERS

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