Disque du crépuscule

Retourné vivre à Kansas City, là où il a grandi, Kevin Morby voit des fantômes et ensorcelle avec des chansons écrites dans son abri de jardin.

Sur la pochette d’ Oh My God, il était torse nu allongé dans une chambre sous une toile religieuse. Celle de son sixième album montre Kevin Morby assis sur un lit dans une demi-piaule plantée au milieu d’un champ. Le ciel est nuageux. La lumière changeante. Sundowner, selon le singer-songwriter dylanien, est une représentation de l’isolement. Du passé. D’un futur incertain. Sundowner, c’est le surnom qu’ils se sont donné lui et sa dernière dulcinée, Katie Crutchfield de Waxahatchee. Il reflète un état d’esprit commun. La tristesse vague qui les gagne quand le soleil se couche.

Séparation, besoin de changer d’air, de prendre du recul, de trouver le calme sans doute aussi… À l’hiver 2017, Morby quittait Los Angeles et retournait s’installer à Kansas City, sa ville natale, la plus grande du Missouri. En se promenant dans les rues desquelles il s’était échappé à seulement 18 ans, l’Américain voyait des fantômes. Des images d’amis et de repères qui s’entremêlaient avant de disparaître. Marqué par le décès de la chanteuse Jessi Zazu (Those Darlins), la disparition de Richard Swift, avec lequel il avait travaillé sur son album City Music, et le suicide du médiatique chef cuisinier Anthony Bourdain, Morby s’est demandé où tout le monde et toute chose finit. Il dédie aussi une chanson, la déchirante Jamie, à son meilleur ami Jamie Ewing. Pleurant le dixième anniversaire de sa mort. Sundowner n’est pas un disque léger, une fleur du confinement (il a juste été mixé pendant)… C’est un album introspectif, personnel. Un retour au fondamental. Une conversation avec soi-même autour de notre lot quotidien et des grandes questions de la vie.

Disque du crépuscule

Lors de son déménagement à Kansas City (il a quand même appelé sa maison Little Los Angeles), Morby s’était payé un petit quatre pistes Tascam pour terminer son disque Oh My God. L’appareil ne l’y a pas aidé mais il a inspiré le suivant, le nouveau, ce Sundowner qui voit le jour aujourd’hui. On imagine la scène… Morby l’a écrit à la merci de la nature entre les araignées et les stalactites dans son abri de jardin aménagé en studio. Soit emmitouflé sous les couches de vêtements, soit quasiment nu en fonction des saisons (pas d’air conditionné dans son cabanon). Il l’a aussi, surtout, imaginé un casque sur la tête. Le son de sa voix et de sa guitare prenant la patine de la machine. Comme si une autre version de lui vivait à l’intérieur du Tascam…

À l’exception de Brother, Sister avec son petit côté médiéval et ses pom pom pom, Sundowner est un disque réussi. Oh My God avait une liste d’invités longue comme le bras. Sundowner est un Morby dépouillé. Il y joue de pratiquement tous les instruments. Et habité. Il reste fidèle à ses talents. À 32 ans, dont une petite dizaine d’années passées sur les routes, il n’est plus un mélancolique anonyme. Il partage son spleen pour panser celui des autres.

Kevin Morby

« Sundowner »

Distribué par Dead Oceans/Konkurrent.

7

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content