Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Sous le soleil exactement – Il n’est plus anachronique de faire un album de chansons ensoleillées, archi américaines et années 70. Mais il vaut mieux avoir le talent de Diane Birch.

« Bible Belt »

Distribué par EMI.

Dans les seventies, il semble évident de préférer Joy Division aux Eagles, Cure à Linda Ronstadt, Clash à Fleetwood Mac. Signe d’un modernisme obligatoire face aux ringardismes US. Le jeune public -en particulier européen- renvoie aux oubliettes dégoulinantes de la pop tout un courant baptisé FM ou californien, alors qu’il ne l’est pas forcément, californien ou dégoulinant. Depuis lors, l’histoire a fait le tri, rendant à la new wave certaines de ses qualités: fraîcheur et énergie bioniques, tentative de retour à la matrice rock’n’roll, expérimentation. Le rock actuel -de The National à The xx- se chargeant de ressusciter les fantasmes d’alors. Mais en réécoutant la pop américaine largement méprisée des années 70, le recul distingue ses navrants défauts -starification caricaturale, excès de fric, de coke, arrangements lourdingues- de ses réels avantages. En particulier, sa façon d’emmener les mélodies dans des zones glorieuses et de redonner un sens quasi métaphysique aux harmonies vocales. Du coup, des artistes tels que Carole King ou Fleetwood Mac semblent avoir considérablement redoré leur blason, en partie pour une raison divinement conne: c’est plus naturel de fredonner un de leurs tubes sous la douche que du Cabaret Voltaire. Paradoxalement, une bonne part de la new wave des années 1975-1985 est devenue franchement rébarbative. A son tour, démodée.

Gap & gospel

En 2010, on peut donc se laisser aller à un album comme celui de Diane Birch sans passer pour un croûton révisionniste. Cette New-Yorkaise de 27 ans n’a forcément pas connu in vitro les permanentes de Stevie Nicks ni les harmonies brushing des Eagles: elle pond pourtant un album tout droit sorti de cette période-là, mais avec un style qui mélange le soleil de L.A. à une dose rhythm’n’blues, voire gospel, plutôt qu’aux bouseries country-folk. Et on aime beaucoup. Toujours pour les mêmes raisons qui déterminent l’intérêt que peut éveiller une musique: la personnalité et la force d’une voix, l’instinct supérieur des chansons. Fille d’un pasteur Adventiste du 7e Jour (…), Birch a tout cela en stock, comme Photograph et sa brillante chorale noire qui déboule aux trois quarts de la chanson -cousine d’Alicia Keys- ou Nothing But A Miracle, qu’aurait pu chanter Aretha F entre New York et Detroit. C’est tout l’attrait de cette musique, un peu gluante, impeccablement arrangée au rayon cuivres et orgue graisseux. Elle traverse tous les espaces -bars, shopping malls, Gap ou Barnes & Nobles stores, Starbucks, autoroutes, motels, pompes à essence, gares et commissariats, chambres privées- pour s’imposer comme une sorte de métaphore éternelle de l’idée même de l’Amérique. C’est d’abord un truc chimique, comme le chewing-gum, capable de faire croire qu’un bout de caoutchouc en bouche signe déjà le début de l’aventure humaine. Diane a pondu un disque dans cette filiation, elle ne l’a sans doute pas fait exprès mais quelques tubes radiophoniques pointant même leur nez voyant ( Rewind, Magic View, Rise Up), l’album devrait nous prendre la tête dans les mois qui viennent. Et c’est plutôt une bonne nouvelle.

www.dianebirch.com

Philippe Cornet

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