Detail of Love

© TRACEY EMIN

C’est toujours avec appréhension que l’on découvre un accrochage de Tracey Emin. Ses débuts excessifs n’y sont pas pour rien. Inexplicablement, le silence se fait dès que l’on entre au 44 de la rue Van Eyck. Quelque chose de sacré passe. Dès I Said I Would Say Goodbye (2019), une toile de près de 2 mètres sur 1,5, on oublie tout ce que l’on croyait savoir. La composition qui donne à voir un couple esquissé possède le pouvoir d’adresse muette, pour évoquer Jean-Christophe Bailly, des portraits du Fayoum. Une intimité chaude accroche le regard de manière d’autant plus inexplicable qu’elle surgit lacunaire. Que s’est-il passé? Même s’il est vain d’en passer par la biographie, on ne peut s’empêcher de ruminer ce que la galerie Hufkens nous apprend après-coup: Emin a arraché ses toiles à la maladie, juste avant de se faire rattraper par un cancer de la vessie, le même que celui qui a emporté sa mère. C’est donc ça cette urgence qui fait se juxtaposer tableaux fragiles et coups d’éclat gestuels de peinture projetée avec violence. Une sorte de moulin de la rage et de la douleur. Au 107 de la rue Saint-Georges, l’autre volet de l’exposition, c’est No – It Was You Who Kept Fucking Me (2019) qui invite au recueillement. Sorte de ressouvenir spectral d’un moment arraché au temps, la toile lève le voile sur un chromatisme précieux évoquant le sable et le bleu d’un ciel pâle. Detail of Love aurait dû créer l’événement. Une autre maladie, la Covid, en a décidé autrement. Peut-être cette monstration à bas bruit est-elle à comprendre comme une rédemption inespérée .  » I wanted you to fuck me so much I couldn’t paint anymore » (2020), affiche une oeuvre tourmentée en forme de nuit obscure picturale. Se profile alors le besoin d’un au-delà de l’art.

Tracey Emin, Xavier Hufkens, 107 rue Saint-Georges et 44 rue Van Eyck, à 1050 Bruxelles. Jusqu’au 19/12.

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www.xavierhufkens.com

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