Dernier bateau pour Tanger

En octobre 2018, au terminal des ferries d’Algésiras, deux gangsters irlandais patientent tout en alpaguant les passants: quelqu’un aurait-il vu Dilly, une jeune femme avec des dreads et des yeux verts? La fille de Maurice Hearne a disparu trois ans plus tôt et serait possiblement en partance pour Tanger. Ni lui ni son comparse Charlie Redmond n’en savent guère plus, mais se démènent pour la retrouver et font chou blanc plus d’une fois. Cette nuit est aussi propice à ce que ceux qui furent aussi bien complices que rivaux racontent leurs précédents faits de gloire, de perdition (la drogue, comme fournisseurs et usagers) et d’amour (notamment avec une Espagnole qui cuisinait des moineaux). Dans cette confession parfois embrumée réside la raison du départ de Dilly. En cousins malfaiteurs de Vladimir et d’Estragon (les vagabonds lunaires d’ En attendant Godot de Beckett), nos truands irlandais sont autant en quête de la jeune fugueuse que d’une finalité à donner à leur existence cabossée. Kevin Barry dose avec lyrisme l’humour hâbleur et la mélancolie noire pour garantir une épaisseur à ces hommes dont  » [les] bavardages sont un bouclier contre les sentiments« . Et par-delà leurs méfaits, le lecteur prendra goût autant à leur sens oblique de la répartie qu’à leur tendresse bien maladroite.

De Kevin Barry, éditions Buchet-Chastel, traduit de l’anglais (Irlande) par Carine Chichereau, 272 pages.

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