ARMÉ D’UN ALBUM OÙ LA VOIX SUSCITE D’INVRAISEMBLABLES FRISSONS DE ROCK LITURGIQUE, JOSH T. PEARSON PARLE DE SON PARCOURS, COMPLEXE ET TOURMENTÉ, DANS LE SUD RICAIN. LOIN DES CHANTEURS EN PEAU DE LAPIN.

Il est devant nous, grand, pas forcément épais, pilosité de révérend hippie et ceinture à boucle en tête de vache (…). On remarque aussi le crucifix de bonne taille qui garnit la poitrine. Drôle de paroissien né en 1974, assez conforme quand même aux projections d’un premier album solo sorti il y a quelques semaines, Last Of The Country Gentlemen (Pias): juste Pearson et sa guitare, avec un violon en effraction parcimonieuse. Dans l’analyse de la chose dans un récent numéro de Focus, on se laissait aller à quelques dithyrambes:  » On reste transi par la voix malléable et venteuse courant avec une telle liberté sur les accords cristallins de la guitare acoustique (…). Un disque intégralement cathartique, adjectif volontiers balancé au gré des reviews, histoire de mettre un nom à tant de tristesse humaine. Mais là, ben oui, c’est vrai. Et l’impression en est colossale.  » Bluffé comme on l’est, on va donc voir l’oiseau dans la foulée aux Nuits Botanique, sachant déjà que la pureté sonique de l’album aura du mal à transgresser la rugosité de la scène. L’aspect presque religieux de ces chansons, autour de la destruction et de la rédemption de soi, est joué dans le Musée alors que la cacophonie d’un groupe voisin pirate les notes sacrées. Frustration, on lève le camp après 40 minutes avec des images bizarroïdes de morceaux divins lâchés dans un monde bruyant, sans plus de courtoisie que de pitié.

Entre le disque et le concert, on rencontre donc le loustic: extraordinaire tronche quand même, comme accouchée d’un vieux western métaphysique, voix plus douce qu’imaginée, les yeux plissés à l’image de ses chansons. L’homme est fatigué par 4 mois de bourlingue ininterrompue déclenchée par Last Of The Country Gentlemen. « C’est bien d’avancer, de ne pas regarder en arrière. J’ai eu des jobs pires que celui-ci, c’est bien de constater qu’il y a tellement de gens tristes dans le monde (sourire). En fait, je m’attendais à de bonnes réactions, c’est un bon disque, mais je suis choqué par la soudaineté et l’intensité de tout cela. Surpris aussi que les femmes et les hommes soient également touchés par le contenu. »

Placard à fantômes

Les textes y sont traités comme autant d’appendices à la douleur et à la renaissance, double cycle indissociable:  » Les mots sont venus comme dans une expérience -je peux employer le terme- cathartique. Je me considère comme un artiste avec un petit a: je me souviens avoir commencé à triturer ma poésie pourrie à l’arrière du bus m’emmenant à l’école, écrivant toujours à la première personne. On peut dire que ce disque est comme une purge de moi-même, d’ailleurs je n’écoute plus vraiment la musique des autres. Peut-être parce ma tête est embrumée de meilleures chansons…  » Alors Josh passe des semaines dans le silence et couche sur papier les  » morceaux qui sont dans la tête ». Ils n’y sont pas entrés tout seuls: le gamin Pearson est élevé dans l’ombre tutélaire de la religion,  » venue avant la musique ». Papa est pasteur tendance poudre d’escampette, parcourant l’Alabama pauvre à la recherche d’ouailles pour ses prêches pentecôtistes. Le jeune Josh voit des choses étranges:  » Comme un démon à l’intérieur de mon placard. Je devais avoir 4 ans et j’ai été éveillé au milieu de la nuit par un bruit. En ouvrant la porte de l’armoire, j’ai aperçu ce flash de lumière. Qui a commencé à crier, à hurler. J’ai refermé de suite la porte. C’était un peu avant que mes parents ne se séparent.  » Josh vit au Texas avec une incursion de quelques années dans l’Etat de Washington, passe des cactus aux pinèdes, toujours dans des endroits  » au milieu de nulle part. On a peut-être déménagé vingt fois ». Dans ce brouillard existentiel, Josh grandit avec l’idée de devenir un jour prédicateur. Mais à l’âge de 12 ans, il découvre la guitare .

Extension de l’âme

Très loin du fog anglais, Josh grandit en rêvant aux Smiths (…),  » un truc particulièrement romantique pour le petit skateboarder branleur que j’étais, écoutant Cure ou Clash, trouvant une forme de vérité en voyant ces gamins du lycée jouer un titre des Sex Pistols. Tellement excitant! ». Sur une guitare acoustique, kid Josh joue donc Sunday Bloody Sunday sans même trop savoir où se niche l’Irlande… C’est le père qui achète l’instrument fantasmé à une condition: que Josh reste vivre avec lui en Alabama.  » Un truc horrible à faire à un gosse.  » Pour le reste, les bons de nourriture reçus de l’église charismatique locale, les lunchs gratuits à l’école parce que pas d’argent, la Bible comme bouée métaphysique façonnent un adulte sur la tangente qui finit par fonder un trio considéré comme flamboyant. Lift To Experience, 15 secondes de gloire pour un premier (et dernier) double album paru en 2001. Puis à nouveau, existence bohème-fauchée-recluse, où Josh étudie des choses comme la théologie et boit trop,  » ce qui me rendait violent. J’ai arrêté complètement il y a 3 ans ». Au final, tout cela ne serait qu’itinéraire d’enfant pas trop gâté, s’il n’y avait ce premier album miraculeux, sans bête jeu de mots, paru au printemps 2011. Dépouillé, intense, très au-dessus de la ligne de flottaison du rock 2011. Alors, en interview, même si les questions reviennent à la même boucle religieuse -il y tourne toujours-, d’autres mots déboulent pour traduire le contenu de Last Of The Country Gentlemen: « Oui, le point de départ est bien la rupture d’une relation amoureuse (très long silence), ce sont comme des lettres adressées à… (nouveau silence). Ecrites à Paris et Berlin sur une période de 3 ou 4 mois, avec l’idée que la guitare est l’extension de l’âme, qu’elle prend le rôle du non-verbal. Dans cette conjoncture, j’espère que quelque chose se passe.  » Oui, Josh, totalement, Josh. Peut-être cet impossible truc pour les athées qu’on nomme miracle.

EN CONCERT LE 21 JUILLET AU BOOMTOWN À GAND.

RENCONTRE PHILIPPE CORNET

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