Consacrés l’un, au scénario, l’autre, à la novellisation, 2 essais passionnants balaient le champ complexe des rapports entre texte et cinéma.

Destiné à quiconque s’intéresse à l’écriture d’un scénario, et faisant suite à un ouvrage, L’invention du scénario, qui s’attachait aux lois générales du genre, L’Atelier du scénariste de Luc Dellisse s’attaque cette fois à l’acte même de la création cinématographique; un objet envisagé sous la forme d’une succession de découvertes pratiques. Examinant l’écriture pour le cinéma du point de vue du métier comme de la création, l’auteur, professeur de scénario à la Sorbonne et à l’ULB, découpe son propos en Vingt secrets de fabrication, qu’il assortit de l’analyse d’autant de films représentatifs. De la notion de pitch à la différence entre antagoniste et ennemi; des ressources de la voix off à l’écriture d’une continuité dialoguée; de l’adaptation à l’épilogue… le champ considéré est vaste. Le décodage d’£uvres choisies permet à la théorie de judicieusement s’incarner: qu’il s’agisse d’aborder l’unité de l’£uvre à travers Le Mépris de Godard, ou la question du scénario implicite à travers Million Dollar Baby de Eastwood, les pistes explorées sont toujours particulièrement fécondes.

Passionnant, l’ensemble traduit aussi une volonté « de remettre au centre de la question scénaristique, non le métier du technicien, mais le travail de l’auteur. Ce travail est une entreprise d’écrivain à part entière. Il s’éloigne par ses enjeux, par sa forme, et de façon plus complexe, par son rapport au temps, de l’art du roman; mais il impose la même exigence originelle: avec des mots, avec des phrases, créer un espace imaginaire, où les émotions s’incarnent dans des personnages forgés à notre image. » Mieux qu’un programme, une multitude de possibles…

Le passage de l’écran au roman est, pour sa part, au c£ur de La Novellisation, essai que publie Jan Baetens, professeur à l’Université de Leuven. Soit l’étude d’un genre littéraire particulier, consistant en l’adaptation de films (ou plus souvent de leur scénario) sous forme romanesque. Découpé en 2 parties, l’ouvrage repose sur un corpus théorique consistant, où l’auteur retrace l’évolution historique du genre, avec ses multiples règles, exceptions et transformations, avant de proposer diverses variations sur sa définition, soulignant au passage combien « la novellisation s’intègre parfaitement à la société de masse, car dans une société qui bouge, disait Edgar Morin, l’essentiel n’est pas d’être en avance, mais d’être capable de suivre le mouvement. »

Consistant en 6 microlectures, la seconde partie accompagne les évolutions les plus significatives du genre au départ d’exemples choisis. Soit un voyage captivant au gré des rapports entre cinéma et littérature, et conduisant le lecteur de la Jeanne d’Arc de Dreyer à la Nuit noire de Smolders, en passant par Les Vacances de Monsieur Hulot novellisées par Jean-Claude Carrière. Ou encore le J’irai cracher sur vos tombes de Françoise d’Eaubonne, d’après les travaux cinématographiques de Boris Vian et Jacques Dopagne, un épisode tumultueux dont l’analyse permet à l’auteur d’établir que « la novellisation est peut-être le plus « complet » des genres qui soient », son étude supposant « un va-et-vient permanent entre lecture du texte et lecture du contexte, entre industrie et création, entre art et société. » De quoi poser, là aussi, l’étendue d’un essai remarquable.

Jean-François Pluijgers

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