BIUTIFUL VAUT À L’ACTEUR ESPAGNOL L’UN DE SES RÔLES LES PLUS INTEN-SES EN LA PERSONNE D’UXBAL, PÈRE À LA DÉRIVE ET HOMME DIALOGUANT AVEC LES MORTS…

TEXTE JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

N’y allons pas par 4 chemins: Javier Bardem reste l’un des rares comédiens dont la présence au générique d’un film vaut pratiquement garantie de qualité -postulat qui s’est vérifié depuis que la caméra de Bigas Luna le révéla, au début des années 90, dans Jamón, Jamón. Au physique de rugbyman (qu’il fut d’ailleurs dans une existence antérieure) prolongé par une présence peu commune, l’acteur a su ajouter une capacité à se mouvoir avec une même aisance quelles que soient les circonstances -crédible en charmeur hidalgo pour Woody Allen ( Vicky Cristina Barcelona) comme en psychopathe obsessionnel pour les frères Coen ( No Country for Old Men), mais aussi sur ce lit de douleur auquel les cinéastes l’ont voué à de multiples reprises, que ce soit Julian Schnabel pour Before Night Falls ou Alejandro Amenabar pour Mar Adentro.

A ceux-là vient s’ajouter aujourd’hui Alejandro Gonzalez Inarritu, qui a confié à Bardem le rôle principal de Biutiful. Soit Uxbal, un père à la dérive, emporté par ses commerces peu avouables, et comme happé par une mort qui semble le cerner de toutes parts, dans son esprit comme dans sa chair. « Il s’agissait de dépeindre un personnage ayant connu l’exploitation et la corruption, avec pour conséquence cette maladie qui les ronge, lui et la société dans son ensemble, expliquait l’acteur à Cannes. Il doit survivre dans ce monde, et j’ai voulu le montrer qui s’accroche à son dernier souffle, à savoir l’amour. C’est un homme qui tente de guérir par la compassion et l’amour, mais que les circonstances de son existence conduisent dans une autre direction. » Soit les bases d’un conflit intérieur que l’acteur incarne avec une intensité d’autant plus grande que nourrie d’un minimalisme venu, au passage, fort opportunément rééquilibrer le balancier du film. « C’est le genre de rôle qui permet à un comédien de grandir » observait encore Bardem, lucide et trop modeste sur ce coup-là -le prix d’interprétation obtenu sur la Croisette n’était pas moins justifié que l’Oscar du meilleur second rôle qui avait accueilli sa composition de tueur barjot dans No Country for Old Men. Encore fallait-il y mettre le prix: 5 mois à porter le poids du film, si pas celui de la douleur du monde – « il s’est dévoué au projet jusqu’à l’obsession », soulignait, quelque temps plus tard, un Inarritu sincèrement admiratif.

Histoire de varier les plaisirs, et avant de tourner pour Terrence Malick et Andrew Dominik, Javier Bardem s’est offert une petite escapade balinaise en compagnie de Julia Roberts le temps de Eat, Pray, Love, de Ryan Murphy. « Biutiful avait été une expérience épuisante, et jouer un rôle plus léger, à l’exact opposé, était particulièrement bienvenu, nous confiait-il dans la foulée. Je voulais souffler, danser sur une musique différente, étirer d’autres muscles. Et en même temps, j’étais sensible à ce que représentait le personnage, à savoir un homme qui, pour pouvoir croire et avoir à nouveau confiance en lui, doit affronter ses peurs, ses doutes et ses douleurs.  » Chassez le naturel, et il revient au galop…

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