De l’encre sur la peau

© MARIE ROUGE FLAMMARION

Après la question de l’identité, Constance Debré interroge l’amour sous toutes ses formes: et si on s’en foutait?

Constance n’a plus d’argent parce qu’elle s’en fout, parce qu’elle préfère écrire que travailler. Elle a la sécurité sociale sur le dos, se fait un peu de cash en revendant ses livres chez Gibert, fait la poubelle chez Ladurée. Au Flore, on trempait ses chips dans du ketchup durant un tête-à-tête avec son ex, Laurent, premier amant « et jusqu’à nouvel ordre le dernier ». Depuis, Constance Debré a tiré un trait, décoché ses flèches, pleine cible. L’ancienne avocate a lâché le barreau, tombé la robe, enfilé un jean et le dress code de la lesbienne butch, au cas où (on) « aurait encore un doute avec mes nouveaux cheveux courts, mes nouveaux tatouages et ma dégaine. » Elle joue la fille de l’air, l’air d’être libre, entièrement. Être soi. Dans Play Boy, elle signait un divorce consommé avec les convenances. Celles que la société attend de vous, à fortiori quand on est la fille d’une lignée: au jeu des sept familles, l’illustre dynastie Debré compte sept académiciens, un Premier ministre de la Ve République, un président du Conseil constitutionnel et un fondateur de la pédiatrie moderne.

De l'encre sur la peau

L’amour braque

Si elle repasse par la case tribunal, c’est car son ex digère mal, fait courir des rumeurs sales, demande la garde exclusive et la déchéance du droit parental. « J’avais passé des années ici à défendre des violeurs, des voleurs, des braqueurs, des pédophiles, des escrocs, des assassins. Mais les affaires familiales je ne connaissais pas. Je ne prenais pas les divorces, je trouvais ça trop sale. » Va falloir se battre, ne rien lâcher. Constance sait faire. Bien sûr, ça use, ça rabote, puis ça fait réfléchir: « Je ne vois pas pourquoi l’amour entre une mère et un fils ne serait pas exactement comme les autres amours. Pourquoi on ne pourrait pas cesser de s’aimer. Pourquoi on ne pourrait pas rompre. (…) » Paul a huit ans, puis neuf, puis dix, … Elle le voit à peine. Face aux professionnels de la petite enfance, Constance découvre le ton mondain des visites devant témoins, façon bracelet électronique-ta-mère. « Mère c’est quelque chose de pire que femme. C’est un peu comme domestique. Ou chien. Mais en moins bien. En plus méchant. » Les intentions se précisent, s’affûtent: tout plaquer. Comme ces filles qui défilent: la jeune, la mince, celle qui aime les Perle de Lait coco, celle qui fait de la moto. Un papa et une maman, elle a donné. Une maman et une maman, ça l’ennuie pareil. Son programme: le moins de propriété possible. Avec les choses, les lieux, les êtres. Entre deux longueurs à la piscine, Constance n’en prend aucune avec son style: des phrases courtes font le solde de tous comptes. Ce sera l’autofiction. Debré aime la sainte patronne Christine Angot, laquelle le lui rend bien. « Nager, lire, écrire et voir des filles, comme une ascèse. Je les ai toujours compris ceux qui n’y arrivent pas. Mais moi je tiens. »

Love Me Tender

De Constance Debré, éditions Flammarion, 192 pages.

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