AU FIL D’UNE TRENTAINE D’ADAPTATIONS PLUS OU MOINS LIBRES ET DÉLIRANTES, ALICEAU PAYS DES MERVEILLES ACCOMPAGNE L’HISTOIRE DU JEU VIDÉO DEPUIS PLUS DE 20 ANS. CELLE D’AMERICAN MCGEE EXPLORE SA FACE LA PLUS SOMBRE.

Lewis Carroll compte parmi les rares plumes à avoir percé le coeur des jeux vidéo. Contrairement à Metro 2033 de Dmitry Glukhovsky ou à Dune de Frank Herbert, ses Aventures d’Alice au pays des merveilles ont connu plus de 30 adaptations pixélisées, étalées depuis plus de 20 ans. Les ponts entre le propos de l’oeuvre maîtresse de Carroll et la nature même du gaming sont de fait solides. Prendre la manette pour plonger dans un univers numérique s’apparente ainsi à une traversée du miroir, chère à l’auteur britannique. Autre thème central, le passage à l’âge adulte se traduit par les évolutions et les épreuves vécues par des héros emblématiques (Lara Croft notamment). Alice in Videoland: ce lien fort s’affiche même en grand sur le titre évocateur de la toute première adaptation d’Alice, en 1984 sur Commodore 64.

Début des années 80, passer de l’autre côté de l’écran est courant au cinéma. Videodrome ou Poltergeist s’électrisent. Si bien que lorsqu’Apple sort son premier Mac en 1984, il l’accompagne (jusque dans sa brochure) de Through the Looking Glass, jeu d’échecs empruntant l’univers de Carroll. La suite roule comme un oeuf traversant les genres et les continents pour débarquer par exemple au Japon avec Fu-shigi no Yume no Alice. Le shooter platformer qui plonge l’héroïne dans un rêve dévie gentiment du conte original.Tout comme l’aventure textuelle de The Adventures of Alice Who Went Through the Looking-Glass and Came Back Though Not Much Changed. Probablement le nom le plus long de l’histoire du jeu vidéo.

Alice in Doom

D’Alice Mom’s Rescue à Alice Is Dead où le joueur se réveille à côté du cadavre d’Alice dans un terrier, les réinterprétations du conte datant du XXe siècle ne se hissaient finalement pas à la hauteur de leurs ambitions. Seul American McGee (artisan de l’ombre sur Doom) piochait finalement la bonne carte en 2001. Loin de la vision de Disney, son très narcissique American McGee’s Alice suit directement l’ouvrage de l’auteur anglais. Le retour du voyage fabuleux d’Alice tourne alors au cauchemar puisqu’elle se retrouve dans un asile psychiatrique, à la suite du décès de ses parents (disparus dans l’incendie de leur maison). Couronné d’une tentative de suicide, le jeu de plateforme, tir et puzzle game a reçu un accueil aussi positif que n’est sombre son propos.

A ce point que Wes Craven voulait l’adapter en 2003, avec Sarah Michelle Gellar en Alice. Mais le projet qui devait être scénarisé par un proche de Tim Burton (John August) s’est effondré comme un jeu de cartes. Après avoir sorti un deuxième Alice: Madness Returns,American McGee, adorateur de contes (un genre cousin du jeu vidéo) a finalement récupéré les droits d’adaptation cinématographique de son jeu. Grâce à Kickstarter, il a ainsi produit Alice: Otherlands, court métrage sorti en octobre dernier qui boucle sa trilogie. Mario grandit quand il avale des champignons et il se dit que Miyamoto aurait directement piqué l’idée à Lewis Carroll qui maximise également son héroïne. L’exact opposé de McGee, éternellement coincé dans un rêve d’enfant…

TEXTE Michi-Hiro Tamaï

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